Claustria : Plongée dans la cave de Joseph Fritzl

Souvenez-vous de l’affaire Fritzl. C’était en avril 2008, et nous découvrions avec effarement qu’un abominable vieux schnok à l’oeil vicieux et la moustache sale avait enfermé sa fille dans une cave pendant un quart de siècle, lui faisant 6 enfants, tout comme à sa femme « du dehors », laquelle n’avait rien vu rien entendu pendant ces 25 longues années. Passé le premier flot d’articles et quelques photos de Fritzl en vacances en Thaïlande, moule-bite rouge et coup de soleil de touriste allemand, pendant que sa famille « de la cave » croupissait sans nourriture en l’attendant, l’histoire avait rapidement été enterrée (sans mauvais jeu de mot) par les médias français.

Régis Jauffret s’est intéressé à l’affaire et en a fait un livre, « Claustria« , récemment sorti aux éditions du Seuil. En 542 pages, l’auteur narre dans le détail ces décennies de calvaire, qui furent aussi paradoxalement des décennies de vie quotidienne, et son lot de (petites) joies, d’enfants malades, de programmes télé et de dessins scotchés au-dessus de la baignoire.

Jauffret parvient à nous faire entrer dans la peau de son héroïne, et à imposer l’insupportable au lecteur ainsi que Fritzl le fit avec sa fille. La première partie du roman laisse encore un peu passer la lumière, puisque le narrateur entrecoupe son récit de scènes « actuelles » où on le suit menant son enquête dans une Autriche désolée, inculte et cosanguine (je comprends aisément le procès que lui font certains à ce sujet mais, n’ayant moi-même aucune passion pour ce pays, cela ne m’a aucunement choquée). En revanche, la seconde partie est dense, sombre, puisque le lecteur est plongé dans la cave, suintante, nauséabonde, où tentent de survivre ce peuple qu’Elisabeth essaye tant bien que mal de garder humain. Coupure de l’eau ou de l’électricité pour des durées indéterminées, apport de nourriture au compte-goutte et sans aucune logique, relations sexuelles imposées à toute la « famille » (sauf le petit dernier, miraculeusement épargné), Jauffret ne nous épargne rien du calvaire de ce qui se passait derrière la porte.

Pourquoi lire ce livre de l’horreur ? N’y a-t-il  pas du voyeurisme rien que dans le fait de s’intéresser à une telle affaire ? Eternel débat du fait-divers, de son succès, de la fascination qu’il exerce. Car il s’agit bien là de fascination dans ce double sens d’attraction et de répulsion. Les médias ont pourtant encensé « Claustria », allant jusqu’à en faire le roman de l’année. Je n’irais pas jusque là mais une chose est sûre, lorsque vous l’aurez terminé, vous y repenserez longtemps, et le talent de Jauffret est tel que vous aurez l’impression d’avoir gardé sur vos vêtements l’odeur de la cave.

Ecoutez également l’excellent podcast de « Comme on nous parle », l’émission de France Inter qui a longuement reçu Régis Jauffret pour son livre.

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