Zuck : « J’ai plus de 4000 e-mails, photos, adresses. »
Un ami : « Quoi ? Comment t’as réussi à obtenir ça ? »
Zuck : « Ils l’ont juste donné »
Zuck : « Je ne sais pas pourquoi »
Zuck : « Ils m’ont fait confiance »
Zuck : « Putain d’abrutis »
Mark Zuckerberg (Zuck), fondateur de Facebook, 2004.
Extrait d’un tchat entre Zuckerberg et un ami étudiant au début de Facebook, Business Insider, 13 mai 2010.
Le lundi 24 septembre, le site du journal Métro dénonce un bug sur le réseau social préféré des internautes : des messages privées apparaîtraient dans la timeline publique de certains utilisateurs, suite à une mise à jour. Rapidement, Le Monde, Slate et le Huffington Post relaient l’information, ayant eux-mêmes constaté l’anomalie sur les comptes de membres de leurs rédactions et de leurs lecteurs. Tous, nous nous sommes alors précipités pour effacer l’historique plus ou moins avouable de notre vie passée, apparue aux yeux de tous, avant de reprendre nos esprits. De son côté, Facebook, aux abonnés absents, étudiait ledit bug.
Quelques heures plus tard, stupéfaction. Un « porte-parole » certifiait qu’il n’y avait eu « aucune faille » mais que les utilisateurs avaient tout bêtement oublié la manière dont ils utilisaient le réseau en 2009 (allô Alzheimer c’était il y a 3 ans…), et été en proie à une hallucination collective. Fin de l’histoire. Honteux, les journalistes et « témoins » se sont alors remis en question, caché comme s’ils avaient douté du 11 septembre, des premiers pas sur la lune ou raconté avoir vu des extra-terrestres dans leur jardin un soir de pleine lune passée à péter ivres morts avec un pote.
Depuis, la CNIL a bien convoqué les équipes françaises pour un petit rappel à l’ordre en forme d’avertissement dans le carnet de correspondance mais on ne déstabilise pas Big Brother aussi facilement. Quant à ce merveilleux organisme auquel nous confions toute notre vie, on notera son professionnalisme et sa très grande classe dans la gestion de la crise. « Oh pépé faut t’acheter des lunettes ! », voilà en gros la réponse de Facebook à ses utilisateurs. Comme si vous demandiez à votre banquier de vous expliquer une ligne bizarre sur votre relevé bancaire et qu’il vous fasse répondre par sa secrétaire que vous perdez la boule. Quant au big boss, celui à qui nous avons « fait confiance », il n’a évidemment pas pris la peine de chausser ses claquettes pour venir rassurer les troupes (quelques millions d’utilisateurs tout de même…).
S’il s’avérait que le bug puisse être prouvé, la défaillance se muerait alors en scandale planétaire, puisque la notion même de la protection des données personnelles est au cœur du dispositif Facebook pourtant flou, secret, mystérieux, raison pour laquelle de plus en plus d’internautes (et d’actionnaires ?) affichent leur suspicion envers le réseau social. Et si l’on fouille un peu dans le casier pas si vierge de la star du Web, on trouve quelques affaires habilement enfouies mais qui pourraient laisser à penser qu’une défaillance du géant n’est pas totalement exclue.
En mai 2010, déjà, la fonction chat de Facebook avait déraillé, ainsi que le relate TechCrunch, qui avait alors révélé l’affaire. Une faille de sécurité avait en effet permis à tout internaute de voir les conversations d’autres membres en train de tchater avec leurs contacts via la messagerie instantanée du site. Quelques jours plus tard, une faille dans l’Open Graph permettait aux hackers d’accéder aux données personnelles de millions d’utilisateurs. Informées, les équipes du réseau social avaient agi promptement – en 2 heures – et corrigé la vulnérabilité. A l’époque, le site n’avait pas fait son entrée (controversée) en Bourse et les enjeux d’une telle défaillance étaient moindres. La faute fut alors avouée, pardonnée, et bien profondément enterrée. Un autre aveu plus étonnant encore fut celui de Facebook dans l’affaire Google. En mai dernier, le Daily Beast révélait que le réseau social avait payé une agence chargée de relayer, via des blogueurs, des problèmes fictifs de vie privée concernant Google. Vous avez dit « vie privée » ? Finalement, après une enquête menée par USA Today, Facebook reconnaissait avoir tenté d’acheter le match. On en connaît qui sont tombés pour moins que ça… Passons enfin sur les subites fermetures de compte, dictatoriales et inexpliquées, les changements de conditions générales en scred, les ventes (« supposées ») des informations personnelles prétendument protégées des membres ou la quasi impossibilité de fermer définitivement son compte, puisqu’il semble que le nouveau maître du monde évolue aujourd’hui dans des sphères parallèles, une zone de non-droit dans laquelle nul ne peut désormais l’atteindre.
Quant à nous autres, millions de bœufs extatiques à l’idée de donner à un trentenaire arrogant la licence perpétuelle sur les photos de nos enfants, lesquelles feront potentiellement la fortune d’une autre firme pendant qu’on peine à terminer nos journées de boulot, trop occupés à checker les timelines de nos ex et de nos collègues de machine à café, il faudra bien un jour nous interroger sur les choix qu’il n’est pas trop tard de faire, plutôt que de dénigrer passivement un organisme auquel on a « tout donné », mais que nous désaimons davantage chaque jour. Facebook a été créé par ses utilisateurs, à eux de tuer le monstre qu’ils ont gâvé.
Zuck : « Je ne sais pas pourquoi ».
Zuck : « Ils m’ont fait confiance »
Zuck : « Putain d’abrutis »