« On se fait la bise ? » Arghh l’enfer de la bise. N’étant pas d’un naturel très tactile, le fait d’habiter dans un pays où chacun veut vous bécoter à tout bout de champs ne m’enchante guère, c’est le moins qu’on puisse dire. Alors que je suis tombée, hier, sur cette sublime cartographie des nos différences régionales bisoutiques, j’ai voulu profiter de ce regain d’inspiration pour lister ici les pires de la bise made in France…
– La solitaire : alors que vous avez vaillamment effectué votre premier bisous et que vous enclenchez le changement de côté, votre partenaire se retire, fier (conard !), en assénant : « Ah NON, chez moi c’est une ! ». Reconard.
– La triplette : parent pauvre de la solitaire, la triplette est pourtant beaucoup plus fréquente (cf. la carte de nos régions). En bon Parisien, et alors que vous en avez terminé avec la corvée de la double embrassade, voilà que votre interlocuteur relance le truc avec sa 3e bise. Décontenancé mais cartésiennement binaire, vous partez pour la 4e. Loupé ! « Ah NON, chez moi c’est trois ! » Conard.
– La molle : pire qu’une poignée de main molle (sisi, celle qui donne l’impression de se saisir d’une asperge trop cuite ou d’une bite au repos), la bise molle : votre binôme sous lexo pose avec lassitude sa joue flasque sur la vôtre, émet un bruit de sussion écoeurant avec sa bouche-vuvlesque puis réitère, lorsqu’il en a le courage et qu’il n’habite pas à Brest, son viol labial de l’autre côté. Traumatisant.
– La bise de grand-mère : lèvre fines tendues vers votre joue, ladite grand-mère vient purement et simplement aspirer votre peau avec sa ventouse fripée. L’enfer.
– La virile : entre hommes, ils ne savent pas trop quoi faire et si la plupart de ces messieurs assume, dans les grandes mégalopoles, de se léchouiller la peau comme des keupines de Sex and the City, un métrosexuel peut facilement se prendre un bon wind par un homologue préhipsterique pour qui faire la bise à un mec, c’est comme faire pipi assis. Un truc de tarlouze.
– La tendancieuse : alors que vous vous approchez du mec excitant d’une copine, celui-ci « dérape » de manière tout à fait gênante et effleure vos lèvres. Et rebelote de l’autre côté mais c’est trop bête. Chelou ce mec ! A moins que ce ne soit vous ?
– La plus relou : haleine matinale, boule de cheveux-laine et tee-shirt Minnie malodorant, vous tétez votre café avec les gosses de la maison de campagne familiale que vous avez investie avec une bande de potes. Un à un, vos compagnons adultes arrivent frais, cheveux lavés, dents karsherisées au Cif ammoniacal avant de se jeter sur vous pour vous coller deux bisous (« Bien dormiiii ? »), investissant votre espace totalement privé. Warning !!
– La plus relou bis : au bureau, on en a tous une. Une collègue qui se la tente : « Rho allez, on se fait la bise ! « Seriously ? Tous les matins ? Nan tu déconnes, là ou je pose ma dem’.
– La distante : aucun de vous deux n’aime la bise et, donc, ne souhaite se toucher. Alors que, la plupart du temps, un des partenaires pose une main sur l’épaule qui lui fait face, là, les deux protagonistes gardent leurs membres bien près du corps, penchant dangereusement leurs lèvres dans le vide, avant d’atterrir en déséquilibre sur les joues de leur partenaire. Sale, nul, deux. Et surtout, inutile. Optez pour la poignée de main ou le coucou distant.
– L’interrompante : mais si, vous savez, celle pendant – mmh – laquelle – smack – votre interl – schiouk – locuteur – smack – s’interrompt à mmh chaque bisou. Exaspérante !
– La bise « présentations » : Mmh Salut – smack – Adèle – smack – Matthieu hihi bonjour / Salut – smack – Adèle – smack – Capucine enchantée / Smack – Adèle – smack – Gaoussou – hein ? La bise la plus con lorsqu’elle est effectué en viol collectif, puisque PERSONNE ne se rappellera du prénom de personne à l’issue de cet exercice de pure convenance.
– La gluante : sachez-le, la bise est un art. Et cet art consiste à faire les bisous dans l’air. Oui, dans l’air ! Tout en effleurant délicatement le derme de son interlocuteur (comme un baise-main de joue, quoi). Donc… on n’attrape pas entre ses deux paluches moites le visage terrorisé de son hôte pour venir bavouiller sur son fond de teint Chanel mat lumière SPF 15 à 47,95 €. C’est dit.
– La collective : vous partez la première d’un gros squat de 25 personnes. « Bon, je vous fais pas la bise hein, au revoir tout le monde ! « « Rhooo bha si quand même ! » Et vous voilà partie pour… 50 bisous debout, genoux pliés (allez, les squats !), carrément courbée pour les partenaires assis qui lèvent même pas leur cul et tournent à peine la tête pour vous tendre dédaigneusement des bouts de cheveux que vous étreignez avec peine. Résultat ? Un herpès et 10 minutes de taxi niquées, soit 8 euros supplémentaires sur la course.
– La plus glauque : celle d’un ex, avec lequel on se rappelle avoir tant gloussé à l’idée totalement saugrenue et surréaliste de se faire, un jour, cette putain de stupide bise après tout ce que… enfin voilà, quoi. Et pourtant, cette bise-là arrivera. Saloperie de bise.
Je connaissais un type qui disait qu’on devrait tous s’embrasser sur la bouche, que c’était vraiment con d’embrasser des bouts de peau qui n’étaient même pas des muqueuses. Si, fort rarement, on pourrait effectivement avoir envie d’appliquer ce pas si sot constat, la bise peut, la plupart du temps, et comme précédemment listé, être un exercice bien gonflant. Pourtant, on n’a encore rien trouvé de mieux en nos contrées pour « marquer le coup » lorsqu’on se salue puis qu’on se quitte, le hug à l’Américaine n’étant pas forcément plus enthousiasmant (venir écraser ses nénés contre un torse inconnu et coller ses narines dans les cheveux peut-être très sales d’autrui).
En revanche, et c’était j’imagine le constat de départ de cette cartographie disparate, établissons une norme nationale, à défaut de parvenir à un label CE. J’imagine que nous serons évidemment tous d’accord pour partir sur DEUX BISES, en tendant la joue droite en premier (et pas l’inverse) puisque coutume de capitale prévaut, comme de bien entendu. Bha quoi ? Iciiiiiii c’est PARIS !!!!