Depuis quelques temps, on parle beaucoup des mamans modernes qui travaillent, ces femmes qui parviennent envers et contre tout à concilier vie de mère, d’épouse torride et de working girl, parcourant la zone urbaine ensoleillée (hum hum) le petit dernier sous le bras, le sourire aux lèvres et les talons de 15 battant joyeusement le pavé avant d’aller animer avec entrain des réunions sérieuses et LOL à la fois, où leurs collaborateurs suivent religieusement leurs belles prez’ animées préparées on ne sait quand mais, toujours, avec le smile…
Que les amateurs de conte de fée passent leur chemin car, si j’ai le plaisir de faire partie de cette catégorie chouchou des marketeurs et des médias, à savoir celle des fameuses « working mums », je m’apprête à vous dévoiler l’envers pas toujours reluisant de ce quotidien survendu à grand renforts de photos prétextes issues de banques d’images coréennes…
Plongée… dans la vraie vie des mères actives pour le premier épisode du feuilleton de l’été…
6h50 : la WM n’a pas besoin de réveil, puisqu’un ou plusieurs tyran(s) de petite taille en pyjama vient la tirer sans ménagement de sa couche, exigeant dans les plus brefs délais un petit-dej digne de ce nom (gare au lait trop chaud/froid/blanc ou au pain trop mou/dur/noir/carré…, lesquels pourraient lui être jetés sauvagement au visage).
7h15 : direction la douche. Sur son chemin, la WM butte sur des legos, glisse sur des camions et se prend les orteils dans les caleçons de son mec (« mais j’vais l’faiiiire ») son café à la main. Oui, elle boit du café et oui, elle sait que ça donne le cancer/de l’urticaire/accélère le vieillissement/augmente le risque d’AVC et elle vous emmerde. Oui, elle est vulgaire (tant mieux).
7h45 : la WM ambitionne de se savonner. Pourtant, quand elle verse du gel douche dans le creux de sa main, de l’eau gelée gicle de l’onéreux flacon. Les microtyrans ont fait de son savon Givenchy à 67 euros en Duty Free du « sirop » (le processus consistant à vider peu à peu le flacon pour le remplir d’eau, secouer, faire mousser, glousser, revider, remettre de l’eau, secouer, vider, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que de l’eau trouble, laquelle n’intéressera finalement plus l’enfant, parti chercher ailleurs une activité plus amusante).
7h55 : la WM suit les préceptes des magazines féminins. Elle enduit donc l’intégralité de son corps sublimé par les grossesses de lait hydratant, plâtre son visage d’un fond de teint léger pour ne pas creuser les rides naissantes dans lesquelles elle ne sait toujours pas s’il vaut mieux, ou pas, injecter de la toxine botulique, du botox, du placenta, du sang, ou rien. Puis, elle « ouvre son regard » avec du rimmel et… éternue (phénomène étrange mais récurrent post-mascara). Ensuite, elle retire péniblement les griffes noires et grasses imprimées sur ses joues par cet éternuement sournois, avant de replâtrer le tout.
7h57 : toujours à poil, la WM trie le gros tas de linge sale. Couleur, blanc, noir/gris, puis se saisit du plus gros (toujours le blanc), le jette dans la machine, se rend compte qu’il n’y a plus d’adoucissant, s’envoie un mail où elle écrit « adoucissant » avant de lancer le tout à 70°C non sans avoir utilisé la fameuse technique du sirop sur le fond de lessive restant.
7h59 : BRZZZZ Oh, un mail ! La WM se saisit de son smartphone. C’est peut-être important…
Objet : « Adoucissant ». Sa race.
8h : la WM tente de trouver un haut chic/jeune mais pas trop/mais pas trop old non plus/qui soit propre/et repassé/et pas taché. Souvent, elle pleure. Après, elle replâtre. A côté d’elle, le(s) tyran(s) trainassent en pyjamas, se souciant autant que leur géniteur des horaires imposés par l’Education nationale. La WM respire à fond trois fois comme le lui a appris son prof de yoga, et demande aimablement à sa progéniture d’enfiler AU MOINS UN SLIP PUTAIIIIIIN !
8h15 : la fenêtre de tir pour le dépose-minute scolaire s’est ouverte, et pourtant la WM et sa joyeuse progéniture n’ont toujours pas quitté le foyer. Bon à savoir : les portes ferment à 8h25 Felindra l’heure est grave. Le(s) enfant(s) trainent toujours en slip. Oupas. Parfois, ils ont préféré le retirer et le mettre sur leur tête, avant de rire à plein poumon avec papa dans le lit bha quoi on peut plus RI-GO-LER mais quelle rabat-joie celle-là !
8h25 : la WM se saisit du ou des enfants, les vêtant avec aussi peu de ménagement que s’il s’agissait de poupées Tinnie manipulées par une fillette de 4 ans (schlok, tâte en bas, rhaa que je te griffe en mettant les boutons, slurp je t’écrase les épis avec de la salive, vazy que je te colle des chaussettes dépareillées on s’en fout on est EEENNNN RETAAAAAAAAAARD tu comprends en RETARRRRRED LA DIRECTRICE ELLE VA FERMER LA POOOORTE !). Hop goûter dans sac à dos. T’aimes pas ces gâteaux on s’en BRANLE Ok ? Chus vulgaire ? Tant mieux. C’est clair ? Sac à dos sur épaules l’ascenseuuur appuis sur le bouton appuiiiiiie chte dis !
8h26 : un voisin (une voisine working mum ?) a chopé l’ascenseur. Va falloir appeler Julien Courbet parce que la WM envisage un homicide très prémédité. Ou simplement un collage de serrure à la super glue dès le lendemain. Elle y pensera plus tard.
8h29 : l’aréopage hirsute couuuuurt dans la rue. Mais la WM suit les préceptes de Marcel Rufo, des blogs, des magazines féminins et les conseils des mamans de l’école (grrr), qui disent que le chemin du matin doit être un instant de partage avec l’enfant. Alors, tout en sprintant sous la pluie (oui, il pleut tous les jours), elle tente de gentils : « Et donc mon chaton, ça va toi, en ce moment ? »
– [Etonné, voire inquiet] Hein ?
– Ca va ? Tu as fait quoi, hier, à l’école ? Putain mais MAAAGNE –TOIIII mais non maman n’est pas énervée bon t’as fait QUOI ALORS ?
VROUUUUUUUUUUUUUUUMMMMMM BIPBIPBIP
[Un camion passe]
– Putain j’entends rien t’as fait QUOI BORDEL ? Mais non maman ne dit pas de gros mots. Des collages/du coloriage /du bondage ?
VROUUUUUUUUUUM CHLOOOOOOOOOOOOOOK
– Rien entendu Super, mon amour, génial. Bon allez on court !
– Hein alors t’en dis quoi ?
– Mais de quoi ?
– Bha du coloriage ?
– Hein ? Super, le coloriage, chaton, super ! Nan mais mets le turbo sérieux !
– C’est quoi le turbo, maman ?
8h32
THE
DIRECTRICE
EST
PAS CONTENTE
DU
TOUT
Elle a des enfants la directrice, au fait ?
– On est désolés on s’excuse mais la grand-mère des enfants va pas bien. Hein, morte hier ? Ah non, non. On a dit ça ? Nan nan mais c’est pas la forme hein pfiou. Bref ce matin il a fallu attendre le médecin d’où notre retard…
– Elle a QUOI MAMIE ?
– Chut, poulet, je parle avec la directrice
– ELLE est pu en Ouadeloupe, mamie ?
– On dit GUA-DE-LOUPE, mon chéri !
La dirlo fronce les sourcils, pendant que quelques autres géniteurs délinquants resquillent en passant derrière nous, comme les types qui foncent allègrement pendant que vous vous expliquez avec les flics parce que vous avez oublié de mettre à jour votre vignette d’assurance auto.
– Bon, allez-y, mais c’est la dernière fois.
Oui oui… honte, réminiscences atroces de l’école, du collège, vie scolaire qui défile devant les yeux de la WM, en semi-mort cérébrale, alors que son smartphone ne cesse de vibrer à mesure que les mails de collaborateurs s’amoncellent dans la boîte qu’elle devra vider, vider, comme on écope un bateau percé, dès qu’elle aura pu se débarrasser de l’enfant et le confier à une autorité… oups, qui brandit sa maracasse, signe que WM dégoulinantes et mamans squatteuses doivent partir vaquer à leurs occupations.
Bisous bisous mwak mwak maman… retard… bureau… réunion (De Greff staïle)… MMmbisous…
3-2-1, la WM prend son élan pour fendre la foule des mères aux foyers (qui se connaissent toutes, se tutoient, papotent et rient avec ostentation, toisant la WL avec un mépris palpable), courant vers sa prochaine mission, alors qu’elle semble déjà avoir vécu mille vies : le métro.
Une MF (maman au foyer) la stoppe pourtant net dans son élan. Halte là, Usain, t’as cru que t’allais t’en sortir aussi facilement ?
– On fait une collecte pour la maîtresse, voulez-vous donner ?
Si elle ne donne pas, la WM le sent, une poupée vaudou en papier crépon à son effigie sera fabriquée par l’ensemble des MF et leurs enfants afin qu’elle meure rapidement et dans d’atroces souffrances, écrasée par sa photocopieuse ou broyée par sa broyeuse de docs confidentiels. Elle tend 5 euros. Les MF font la moue (avec des pompes pareilles, la WM pourrait filer plus, RADINE, dit leur moue).
Pétasses .
Sauvée par son smartphone, la WM les plante là avant de jeter un coup d’œil à l’hostile écran, lequel indique : 9h, réunion client.
Il est 8h52, la lourde porte se ferme derrière la WM alors qu’un épais rideau de pluie s’étend devant ses yeux hagards, que ses escarpins se remplissent d’eau et qu’elle se rend compte qu’elle a oublié son ordi chez elle…
BRZZZZ revibration du smartphone.
SMS de la nounou : malade, elle ne pourra pas venir chercher les enfants à l’école ce soir…
La suite au prochain épisode.