Encore. L’année 2015 se termine comme elle a commencé : dans la terreur, les larmes, le sang et l’état d’hébétude dans lequel nous sommes tous plongés, aujourd’hui, alors que cette fois, ce sont des fêtards comme nous, des amis proches parfois, qui ont été descendus en plein Paris par des fous d’Allah. Et comme en janvier, une solidarité a très vite germé sur le sol de l’horreur.
Hier, immédiatement, sur Twitter, les riverains du 11e arrondissement ouvraient spontanément leurs portes à des inconnus perdus dans ce mauvais cauchemar de fin de soirée. Venez chez moi, je suis rue Amelot. Portes ouvertes rue de Lappe. Ca retweetait, c’était beau dans l’ignoble. Ce matin, les photos des disparus étaient viralisées sans relâche par tous, parce que ces injoignables auraient pu être des potes, des sœurs, des enfants à nous, et l’ont été parfois, forcément. Sur Facebook, on chialait, comme il y a dix mois, se parant de bleu blanc rouge pour afficher son soutien aux blessés, aux familles des victimes, et dire à ces amis réels ou même virtuels, parce qu’après tout on s’en foutait pas mal, qu’on était là, les uns pour les autres, à faire bloc contre l’indicible.
Et pourtant, déjà, on sentait le bel édifice pacifiste se fissurer par endroits. Lorsque certains proposèrent avant même l’assaut donné d’acquérir un tee-shirt « Pray for Paris » à 19 euros seulement. Lorsque des politiques fustigèrent celle du gouvernement pendant que des innocents étaient encore enfermés, faits comme des rats dans une salle de concert et que des fous d’Allah lobotomisés tiraient sans l’ombre d’un remords sur ce qu’on leur avait désigné comme l’ennemi suprême de leurs idéaux. Lorsque, plutôt que de pleurer décemment ces hommes et femmes grotesquement fauchés en plein moment de plaisir innocent, on tentait, déjà, de trouver des coupables, cherchant l’assentiment d’autrui pour calmer l’insoutenable incompréhension. Lorsque, bientôt, on cherchera laborieusement des signes, des codes secrets, des mises en garde, que l’on aurait dû lire, que l’on aurait dû punir pour éviter le drame comme si ça changeait vraiment quelque chose. Lorsque la haine remplacera l’union parce que l’indicible et l’inexplicable sont trop éprouvants, et qu’il faudra désigner un responsable pour calmer la douleur de se trouver aussi désarmé.
Ca craquelle, ça enfle, ça étouffe, je le sens bien. Comme avant.
Alors s’il te plaît, Internet, et surtout toi, Facebook, pleure joliment, décemment tes enfants martyrisés. Ne cherche pas de coupable, n’excite pas ce qu’il y a de plus sombre en toi, de plus abject, de plus nauséeux. Pleure parce que ces innocents sont morts, et que les détonations ont tenté, encore, de faire taire la liberté, le plaisir, l’insouciance mais ne mets pas en branle ta machine de haine si malheureusement efficace. Pour une fois, laisse les analyses aux experts, les récupérations aux odieux, les raccourcis aux idiots.
Et contente-toi de fleurir dignement les tombes de tes enfants assassinés.