Aujourd’hui je marchais avec mes fils dans la rue et je leur expliquais combien les moments de bonheur passaient vite et combien, dans le sens inverse, les moments pénibles passaient lennntement. Pressée de questions, il a fallu que je trouve un exemple desdits moments pénibles. « Genre quoi, maman ? Hein ? » Et là… horreur, je me suis entendue répondre : « BHA, les goûters d’anniversaire, par exemple ! Ca passe hyyyyyyper lentement ! » Double regard interloqué de gens qui n’ont pas la même échelle de valeur (et auraient pour leur part certainement évoqué une séance shopping de eux enfermés avec moi dans une cabine surchauffée, ensevelis sous des fringues trop petites et une mère excédée par ses fesses molles).
Mais oui, pour moi, la quintessence du moment relou, outre le frottis, le détartrage ou l’épilation de l’arrière des cuisses, c’est le goûter d’enfants.
Attention j’adore mes enfants et leur faire plaisir reste ma priorité absolue dans la vie donc je m’y colle, hein, je fais les choses bien. Mais depuis le temps que j’ai essayé toutes les options, je sais… que c’est TOUJOURS l’enfer.
A commencer par l’envoi des cartons, toujours les mêmes dégotés chez Hema depuis dix ans que le DA n’a jamais cherché à changer sa créa. Et puis ensuite l’attente des réponses pour savoir combien de minuscules individus bien veneres tu vas recevoir à domicile. Réponses que tu reçois au compte-goutte, entre les cartons égarés dans les sacs, bien écrasés sous les gâteaux, ou les darons « étourdis » qui pensent que t’as balancé ton 06 juste pour décorer et que tu dois relancer comme si VRAIMENT tu cherchais à recevoir un maximum d’invités à ta petite sauterie.
Et puis ce jour qui arrive, angoissant, énorme point noir dans ta semaine déjà éreintante. Et THE question, surtout si tu as eu le malheur d’avoir eu des bébés d’hiver : qu’est-ce qu’on va faire pendant TROIS HEURES, enfermés à dix personnes dont la grosse moitié ne sait pas faire caca seul, en huis-clos dans un appartement aux murs encore blancs, en ce long dimanche de pluie ? Deux périodes viendront répondre à cette question : la « pré-sept ans », où si les enfants sont peu autonomes, potentiellement angoissés, sales et impatients, ils répondront plutôt positivement à tes propositions. Et l’ère post-petite enfance où le pré-ado et ses amis crieront son ennnnnui si nulle console, laser game, bowling ou mur d’escalade n’est prévu au programme. Le premier groupe, lui, enchainera dans une cacophonie déconcertant le maquillage (« Nan, pas un papillon c’est pour les filles ! »), les sculptures sur ballon en forme d’épée qui ressemblent à des bites, les marionnettes (« Non, les enfants, on ne fait pas tomber le théâtre ! »), les un-deux-trois-soleil (« il a triché ! ») et autres jeux de la cuillère (« Il a triché ! »), les coloriages (« j’m’ennuie ! »), les chaises musicales (« aiiiiie il s’est assis sur mouaaaa ! »), la pêche à la ligne (« Pourquoi j’ai pas eu la balle rebondissante, moi ? »), la mise à sac de caisse à jouet (et donc de chambre) avant le cérémonial du gâteau-bougies et enfin l’incontournable pinata dont le contenu achèvera de rendre fous ces Gremlins chauffés à blanc devenus alors absolument incontrôlables, même par un professionnel du genre déguisé en Pirate ou en Reine des neige auquel tu auras filé la moitié de votre salaire pour assurer l’animation.
Quant au second groupe, bien moins incontinent mais plus exigeant, il t’aura fait parcourir la ville entière pour rejoindre son lieu d’ébroue, te faisant subir ses conversations absolument imbittables tournant autour d’obscurs auras de Kaio, de Vegeta plus ou moins forts que les Sayan (« supa crew les enfants ? Non non, rien… »), de Pokemon et autres récits obscurs et alambiqués de parties de handball ou de trucs chelous appris en classe, qui te fileront le coup de vieux de la décennie, toi pauvre accompagnateur scolaire de jour férié, lesté de tes gros sac Franprix rempli de victuailles que tu déballeras dans un parc près du bowling, abattu et encerclé par la joyeuse bande redevenue alors aussi indomptable que les kids précédemment évoqués.
Et pourtant, malgré l’immense fatigue qui vous envahira ton mec et toi le soir venu, le ventre lesté des bonbons acides qui vous auront rongé les organes, et la tête vrillée par le champagne que vous aurez proposé aux parents fringants venus rechercher leur bruyante progéniture, tu repenseras avec tendresse à ces moments d’enfance qui s’enfuient si vite, et avec effroi aux soirées alcoolisées pas si lointaines qui attendent votre appartement finalement sorti indemne de ces free partys hardcore mais somme toute tellement cute.