En ce lendemain d’anniversaire de mon mec (et de Nicolas Sarkozy), j’en profite pour m’interroger sur un phénomène que j’ai récemment observé : les gens (comme mon mec, donc) qui sont fous de leur annive. Des semaines avant, ils en parlent des étoiles dans les yeux comme s’ils avaient sept ans et demi et qu’on allait les recouvrir d’une montagne de Playmobils. Toute l’année, ils visualisent le calendrier en fonction de cette date CLÉ (« Ah oui, à quelques jours près, c’est un mois pile avant mon anniversaire ! »). Et le jour même, alors là le jour-même, gare à la Terre si elle n’a pas imprimé un petit mouvement de twerk pour marquer le coup. Un peu surpris que cette date n’ait pas été rendue fériée pour l’occasion, ils posent pour beaucoup leur RTT afin d’organiser LA fête qui viendra célébrer comme il se doit cet événement tant attendu du monde entier. Quand ils ne font pas semblant, deux années sur trois, de ne s’occuper de rien, pouffant en leur sein en attendant la fête-« surprise » que leurs proches se croient obligés de leur mitonner en « secret » pour ne point être radiés.
Je les envie, bien sûr, ces birtday-addicts, absolument enchantés de cocher emphatiquement les ans sur la petite règle de la vie, et plus encore de se faire photographier sous tous les angles, bouffis d’alcool et vêtus de tenues farfelues, grotesques ou pailletées par l’intégralité de leur cercle amical et professionnel devant un gros gâteau, tentant vaillamment d’éteindre en un coup un nombre incalculable de bougies. Perso, je hais mon annive. Disons que c’est un non-sujet. Je suis née en plein mois d’août. Je n’ai jamais eu à le fêter réellement et me suis dès mon plus jeune âge extraite d’un potentiel culte de cette date qui, censément donc, m’appartiendrait en propre (ainsi qu’à François Hollande, né lui aussi un 12 août).
Toujours est-il qu’entre les birthday-bluesers et les birthday-addicts, il semble y avoir aujourd’hui peu d’entre-deux. La faute à une société excessive où, lorsqu’on s’auto-célèbre, on ne le fait pas qu’à moitié. Savez-vous que jusqu’aux années 50, il n’était pas du tout d’usage de célébrer son « anniversaire individuel », cette étonnante idée étant considéré par l’Eglise comme un péché d’orgueil ? Aujourd’hui, on est devenus complètement gagas de ces rites annuels dont on est le héros. Supplantant le mariage, les baptêmes, les communions et autres fêtes de diplôme, les anniversaires sont devenus sa-crés, et pas seulement les nôtres. Partout, il y a toujours un annive à fêter. Les 70 ans du twist, les 30 ans des Enfoirés et même les âges qu’auraient eu ceux qui ne les auront jamais (cf. « Romy Schneider aurait eu 80 ans », l’année dernière…) Facebook est là pour nous rappeler de ne surtout oublier personne, de la vague connaissance de lycée à notre boss, en passant par nos « vrais amis », sous peine d’être banni de la société. Leetchi vient nous taper quelques euros parce que bon, il faut quand même bien offrir un petit quelque chose à celui qui écartelait sa pauvre mère ce même jour il y a des décennies. On ne fête plus, alors, un âge canonique réel qui pourrait fiche le bourdon mais une journée particulière pendant laquelle chacun peut, pour une fois, devenir un petit peu plus spécial que toutes ses autres connaissances elles-mêmes devenues uniques grâce aux réseaux sociaux. Bha ouais, il faut bien sortir du lot. Houhou, j’existe ! C’est MON JOUR.
A moins que les disciples du culte de l’annive soient tout bêtement restés de grands enfants, aussi excités à soixante-quinze qu’à six ans d’ouvrir leurs paquets et de danser, comme autrefois sur la danse des canards, avec tous leurs amis. Et si les gens qui adorent leur anniversaire étaient tout compte fait des gamins joyeux qui n’ont jamais vieilli ?