Le tripotage 2020 des Braniston, cet espoir fou que rien ne passe ni ne lasse

Ca doit avoir quelque chose avec l’enfance, ou la nostalgie, ou la totale incapacité de vieillir qu’ont les pauvres ères qui ont grandi dans les années 90. Toujours est-il que, quinze ans après (15 ANS), ils sont nombreux à avoir cette nuit pété les plombs et les Internets à la vue de cette photo déjà légendaire : Brad Pitt huggant son ex-wife Jennifer Aniston aux Sag Awards. Pendant près de 5500 jours après l’annonce funeste de leur rupture, toute une génération a toujours refusé la triste vérité. Comme des gamins qui croiraient dur comme fer que papa et maman vont se remettre ensemble. Bha oui, papa s’est fait retourner la tête par une méchante sorcière à grosse bouche et yeux diaboliques et il a planté maman avec ses beaux cheveux et son humour potache, mais il allait forcément revenir à la raison. Après six enfants avec la diabolique femme tatouée, on s’est mis à douter, forcément. Mais voilà qu’hier soir, Brad et Jen, tous deux célibataires, quinqua cool et encore tout à fait appétissants, se sont TOUCHÉS. Cheh, Angie ! Ca faisait un petit bout de temps qu’ils se tournaient autour. Jen avait invité Brad à sa sauterie de Noël. Ils étaient réunis la semaine dernière aux Golden globes. Mais JAMAIS depuis 2005 on ne les avait vus sur la même photo.

Et pourtant… Hier soir, après que Brad a remporté une nouvelle statuette et prononcé un discours trop cute (« Il faut que j’ajoute ça à mon profil Tinder », a-t-il déclaré en brandissant son trophée), il est parti backstage. De là-bas, il a assisté sur une petite télé au sacre de son ex, elle aussi lauréate. Les pros ont retenu leur souffle, parce qu’ils ont alors compris qu’ils allaient se croiser là-bas devant les bretzel et les gobelets de mousseux. Et bam ! Dans sa robe de satin blanc très Carolyn Besset, Jen a frotté son corps contre celui de son ex, touché son épaule et puis elle est partie comme ça, grand prince. Alors il l’a retenue par le poignet, comme le font les gars qui vous draguent en soirée quand vous feignez de les planter. Avec une sorte de tension sexuelle palpable (si, si, et puis de toute façon on a bien le droit de faire de l’interprétation gestuelle si on a envie).

Ce rapprochement des ex qu’on a tant aimés nous remplit de joie et d’excitation parce qu’il symbolise l’espoir que tout peut recommencer. Que rien ne passe ni ne lasse, qu’on ne vieillit guère et que l’amour ne meurt pas. Que les amours anciennes et inachevées ne sont pas forcément perdues, que sous les réseaux sociaux, le réchauffement climatique, le Blue Monday et la réforme des retraites, le cœur des ninetees bat toujours, et pourrait, pourquoi pas, nous ramener sans prévenir vers la douce insouciance de nos jeunes années. Chers Braniston, si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour nous !

« Ca a dû être une belle femme »

Parmi les petites phrases qui se veulent gentilles et qui m’énervent autant qu’elles me foutent le blues il y a celle-là. L’autre soir, mon concubin et moi regardions un reportage sur Didier Deschamps, l’un des seuls Bleus de 98 à n’avoir pas quitté son épouse d’alors après la victoire pour partir dribblouiller vers d’autres cieux plus jeunes, slovaques ou nichonnés. Et, alors qu’apparaissait à l’écran Claude, femme de et mère de Dylan leur fils unique, mon concubin lâcha avec l’apparente impression de dire un truc très sympa : « Elle est bien, hein. Ca a dû être une belle femme ! » Ce à quoi je lui ai répondu du tac au tac : « Bha… elle n’est pas morte. »

Silence d’incompréhension mutuelle.

Non mais c’est vrai. C’est une phrase que j’ai très/trop souvent entendue. « C’était une belle / très belle femme ». Comme si le simple fait d’avoir passé la fatidique barre des, allez on va dire quarante, quarante-cinq ans lorsque la nature a été très clémente, faisait fatalement basculer les individu de sexe féminin dans une espèce de sas où l’on vit encore (ouf !) mais dans un physique dont on ne peut plus dire qu’il est mais seulement qu’il a été.

En mode : « Nan mais Monica Bellucci, c’était une TRES belle femme. » Ok, et maintenant, qu’est-elle donc devenue ? Un souvenir qui respire encore ? N’est-elle plus une femme ? Ou n’est-elle plus belle ? La beauté d’une femme ne dépend-elle finalement que son degré de baisabilité sur l’échelle du désir universel ? A-t-il été acté quelque part, dans une espèce de grande encyclopédie de la beauté féminine à usage des hommes (dont je n’aurais pas eu connaissance) que ledit terme de beauté, donc, n’était plus adapté au-delà d’un certain âge ? Que les rides excluaient à jamais un visage d’une acceptation esthétique positive, ou qu’un épiderme moins flexible anéantissait pour toujours sa propriétaire du champs lexical de la beauté ? J’ai même déjà entendu des personnes se réjouir que des célébrités glamour soient mortes jeunes car ainsi elles étaient « mortes belles ».

Bha si c’est le cas, je ne suis pas d’accord. On va dire que j’ai un discours démagogique, que j’enfonce des portes ouvertes ou au contraire que je plane à dix mille mais enfin, qu’est-ce que c’est que cette histoire de fous ? Est-ce qu’on dit par exemple d’une vieille commode un peu patinée que ça a dû être une belle commode ? Non. Est-ce que les touristes en Egypte disent « Ouais, pas mal. Ca a dû être des belles pyramides », dédaigneux de l’aspect actuel de ces œuvres qui ont traversé les ans et portent en elles la vie qui s’est déroulée ? NAN. Moi je trouve que Claude Deschamps EST une belle femme. Qu’Helen Mirren est une belle femme. Que Susan Sarandon est une belle femme. Que ma mère est une belle femme.

Et tant qu’on n’aura pas accepté, tous, que la beauté féminine transcende la jeunesse des traits, et qu’elle se trouve dans tout sans qu’il soit forcément question de verdeur ou de prétendue perfection, tant que nous n’aurons pas enfin déplacé cette perception que nous avons de la beauté telle que nous pensons la reconnaître, les femmes auront envie de se faire sauter le caisson à quarante ans parce que la société parlera désormais d’elles au passé.

Non mais.

Jean-Vincent Placé ou le problème du seul « chinois » connu en France

Mes deux fils sont quarterons, leur père est eurasien, de père chinois et de mère française. Tout ça n’était pas prévu. Jeune, comme beaucoup de couillonnes de mon âge, l’idée même de sortir avec un « asiate » me faisait doucement glousser (« Rhihihi han t’imagines ? Nan je pourrais pas ! »). Et puis la vie, mon merveilleux non-époux et cette première grossesse qui me fit redouter la tête chelou que pourrait avoir cet enfant aux gènes si disparates. Et qui naquit finalement ultra bridé, mais moins que son frère, sosie officiel de Bruce Lee. Bref, voilà maintenant plus de quatre ans que je me coltine avec bonheur ce trio oriental de toute beauté, et que je m’intéresse, forcément, à la condition des asiatiques en France.

Il y a quelques jours, le toujours navrant Jean-Vincent Placé a été arrêté, ivre caisse, après avoir lourdement emmerdé une jeune fille dans un bar et lui avoir proposé de l’argent, puis tenu des propos racistes au videur qui tentait de s’interposer (« On n’est pas au Maghreb ici. Je vais te renvoyer en Afrique moi. Tu vas voir ! ») et enfin balancé un « Ils arrivent quand les connards ? » aux flics qui attendaient du renfort pour l’embarquer. Bref, le seul « chinois » (il est coréen) connu de France venait une nouvelle fois, après avoir posé avec une poule, accumulé les amendes non payées, publié le plus gros flop de l’édition (« Pourquoi pas moi ! » euh bha parce que…) et j’en passe, de s’illustrer de la plus grotesque des manières, confortant ainsi l’opinion publique dans l’idée que ces asiatiques, quand même, ils ne sont pas « comme nous ». Bha oui, puisqu’à lui tout seul, il semblait bien représenter l’Asie toute entière.

Et c’est alors que je me suis effectivement demandé si un autre personnalité d’origine asiatique pouvait donner un exemple un peu plus swag aux Français, qui continuent pour beaucoup à ne pas entrevoir d’autre modèle que le chinetoque de Michel Leeb, leur traiteur du bout de la rue à l’accent rigolo, leur nounou philippine ou les japonais marrants qui opinent bêtement du chef dans les films de gangsters. Bref, si mes fils, et les autres enfants ou petits-enfants d’immigrés, pouvaient s’identifier à un mec cool, une femme stylée, un politicien powerful (mais pas JVP), un chanteur, un acteur, un présentateur… bref à quelqu’un qui en jette un peu, quoi. Lors d’un dîner chez des amis chew (elle de religion juive, lui d’origine vietnamienne ; aux Etats-Unis, cela donne la contraction chew pour « chinese jew »), nous avons ratissé le PAF et ses environs en nous posant cette question : quel Français d’origine asiatique les Français connaissaient-ils ? Oui, si on leur demandait, comme ça, dans la rue, hop du tac au tac : « tu connais qui ? », que répondraient-ils (à part JVP) ? « J’AI ! Le mec de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? », m’a-t-on rétorqué. Mouais, sauf que j’étais la seule à savoir qu’il s’appelait Frédéric Chau. Pierre Sang ! Mouais. Fleur Pellerin ! (je vous le fais en accéléré, ça nous a pris vachement plus de temps). Ok, sauf que tout le monde la déteste. Et enfin, tadam et end of the story : Jade et Joy, les filles à Jojo. Ouah.

Dans Google qui sait tout, j’ai tapé : « français d’origine asiatique connu ». J’ai alors vu apparaître plein de nobodes, Kev Adams déguisé en chinois, Frédéric Chau et Maître Vergès (mort, ça compte pas).

Et là je me suis dit que dans un pays aussi cultivé que la France, aussi historiquement ouvert, offrir si peu de visibilité à toute une partie de sa population, au point qu’une méconnaissance immense de celle-ci perdure en 2018, était une totale abherration. Combien sommes-nous à distinguer un Coréen d’un Japonais, d’un Chinois, d’un Vietnamien, d’un Cambodgien, à ricaner lorsqu’on en parle, à faire tranquillou des vannes d’un racisme banalisé ahurissant dans un société où l’on licencie un présentateur pour moins que ça, parce qu’ «ils » sont gentils, sourient tout le temps, font des nems, de l’informatique et du karaté, sont sages et disciplinés, ne comprennent rien mais sont stylés ?

Alors moi j’espère que lorsque mes fils seront plus grands, tout ça aura changé. J’espère qu’on ne les oubliera plus dans la répartition de la visibilité, j’espère que « le mec du bon Dieu » se fera un nom, ne jouera plus forcément l’asiatique de service, que plein d’autres viendront grossir les rangs, et puis que le modèle Jean-Vincent Placé, « homme le plus con du XXIe siècle » pour Yann Moix, ne sera plus qu’un lointain et désagréable souvenir.

2017 ou l’avènement du châtain de poche

Longtemps, le beau gosse a été brun. Si si. Brun, grand, un brin bad boy, avec du poil sur le poitrail mais pas trop, voire une légère bedaine (confère l’éphémère et très discutable dad bod), la barbe naissante, l’œil qui frise, le cheveu long, deux trois tatouages et le sourcil froncé. Geoffrey de Peyrac, Albator, Pio Marmaï, Gérard Lanvin, Brando ou Louis Garrel selon les générations et les époques. Mais c’était ainsi. Jusqu’à récemment.

La semaine dernière, le site « Adopte un mec » a en effet publié les résultats de son Grand classement annuel des « mecs qu’on aimerait adopter (comprenne qui pourra) », et l’on peut dire que les résultats sont inattendus, mais finalement assez significatif d’un changement sociétal. À la troisième place, on y trouve Hugo Clément, le jeune et gentil journaliste de Quotidien qui hanta manifestement bien des nuits électorales.

À la seconde, le footballeur Antoine Griezmann, chouchou des marques et des médias, mais aussi donc de « ces Dames », comme on dit dans les articles datés mâtinés d’une misogynie qui se veut innocente.

Et à la première, tadam tenez-vous bien… trône notre mister Pwésident Emmanuel Macron. Oui.

Si l’on fait fi du de toute discussion forcément interminable sur le thème de « Tu coucherais avec Macron, toi ? » / « Tu penses que c’est un bon coup ? » / « NON franchement je pense pas il a l’air trop sérieux/emprunté/amoureux/egocentré… », un phénomène se dessine clairement dans ce classement : l’époque est au Petit châtain propre, souriant et facilement transportable. Ces trois-là ont en outre en commun, au-delà de caractéristiques physiques indéniables, le fait de pouvoir être fièrement présentés à papa, de plaire à mamie, à notre soeur et grave à maman. Souriants, (très) bien peignés, proportionnés comme il faut, ils semblent promettre chacun un bonheur conjugal sans nuage, des gestes affectueux, une fidélité dont on ne saurait douter, des repas équilibrés et des étreintes sages et hygiéniques. Avec le châtain de poche, point de chambres d’hôtels mises à sac, de nuits sans sommeil, de cendriers remplis, de larmes de sang sur les quais de la gare, de cette douleur à la fois morale et physique que l’on croyait forcément liée au grand Amour lorsqu’on lisait Girls et Jeune et jolie. Non.

Que prouve donc le choix de ces trois-là ? Que nous nous sommes rangées ? Que le mauvais garçon a vécu, à l’heure de divorces douloureux où bien des masques ont fini par tomber, que l’on va plus volontiers et naturellement, et même en fantasme, vers un type qui a l’air à la fois gentil et successfull, bien dans ses pompes et dans son époque, bref que l’on préfère, en 2017, opter pour César plutôt que David, Darcy plutôt que Clever, Tristan plutôt que Mathias ? Ca se peut bien. Merde, nous voilà devenues raisonnables. Trop ?

Rock n’roll is dead.

L’âge de Brigitte Macron : la bonne vanne 2017

Oh, il est venu avec sa maman ? Mais… elle est vieille pour lui, non ? C’est un peu bizarre, cette relation, vous ne trouvez pas ? Qu’est-ce qu’il lui trouve ? Il doit être pédé. Aucun homme ne peut désirer une femme plus vieille, ça n’existe pas. Non, c’est ça, il est forcément homo. Il ne peut y avoir d’autre explication.

Au début, c’était juste énervant, ces petites remarques ultra misogynes sur la génération qui sépare Emmanuel Macron de son épouse. C’est vrai, on voyait pas ça souvent. Les femmes d’énarques, elles mettaient une robe moche une fois l’an pour aller à l’Elysée, et le reste du temps elles fermaient leur gueule en s’occupant des enfants. Et puis surtout, elles avaient un âge décent, messieurs dames. Celui de leur mari, ou un peu moins, c’est mieux. Ca vieillit mal, une femme. Oh et les hommes, vous savez ce que c’est, dès qu’il y a un petit cul qui traîne, c’est plus fort qu’eux alors autant limiter les dégâts le plus longtemps possible. Oui, on a tout entendu sur ce couple « atypique » (atypique comme on dit d’un souplex ou d’un apparte chelou pour rendre désirable une anormalité un peu encombrante) et on s’est dit que ça passerait, parce que c’était vraiment hyper lourdot. Vieille France, roucassien, jean amadouesque comme vannes en 2017.

Et puis non, en fait. La Vieille France, elle supporte toujours pas, ces vingt ans d’écart. Laurent Gerra chante « Grand mère sait faire un bon café » tous les matins en gloussant bêtement sur RTL dès qu’il évoque Brigitte Macron. Ha ha ha. C’est vrai, c’est trop marrant. Elle est grand-mère, la meuf, vous imaginez ? Dormir avec une grand-mère ! Quand bien même elle aurait les cuisses fuselées, la passion des futes en cuir et le smile jusqu’aux oreilles, c’est quand même ultra gênant comme situation, non ? Quand bien même il aurait l’air vraiment heureux, ce couple-là, à se smacker, quoi qu’il fasse sous la couette (« Rho, rho, elle doit lui en apprendre des trucs, aux gamin ! ». On imagine les types rougeauds affalés dans leur canapé pendant que « bobonne » fait le dîner, rosissant à l’évocation de ce que cette femme « mûre » peut bien faire à ce gamin quadragénaire).

Oui, nous sommes en avril 2017 et pas un seul jour ne passe sans qu’un gros malin l’ouvre comme pour repousser le plus longtemps possible cette anormalité sociétale un peu dégueu d’un homme plus jeune avec une femme plus âgée alors que ça fait des millénaires que le contraire semble réjouir la terre entière.

Est-ce qu’on va vraiment s’en farcir pendant cinq ans, de cette vieille rengaine bien rance ? Est-ce qu’on va continuer longtemps à donner un nom de félin belliqueux à une trentenaire qui fraie avec un « jeunot », en ricanant bêtement face à cette furie en manque forcément extatique devant tant de chair fraîche ? Est-ce qu’on ne peut pas se dire que c’est bon, on a fait le tour de la question et que c’est bien beau de  mettre en avant son apparente tolérance et ouverture d’esprit quand on  déblatère bêtement sur une « différence » d’un autre âge ?

Allez, next.

And God save Brigitte.

La question de la semaine : faut-il ouvrir un compte Instagram pour continuer d’être aimée ?

binoche

– Vous avez récemment ouvert des comptes Twitter et Instagram. Vous vous êtes sentie obligée ?

– Il y a de ça. On me l’a demandé. Aujourd’hui, c’est devenu incontournable. Ca figure même dans certains contrats.

Il y a quelques jours, je suis tombée sur cette interview de Juliette Binoche donnée à Paris Match, et je dois dire que cet échange m’a plongée dans un profond malaise, pour ne pas dire dans une immense tristesse. Car quoi, la société du spectacle immédiat et permanent, impudique et rémanent nous a-t-elle engloutis au point qu’une comédienne de la trempe d’une Binoche se doive, elle aussi, de poster à intervalle régulier des bouts de sa vie, des coins de son intimité, des morceaux offerts de sa nudité pour continuer d’exister en tant qu’artiste ?

D’aucuns diront que c’est ainsi, que le monde évolue et que ce moyen de communication n’est autre que l’extension naturelle de la presse apparue au XIXe siècle, qui confronta dès lors l’artiste au service après-vente, à la séduction d’un public qu’il faut bien draguer, appâter en « donnant de sa personne » parce que c’est ainsi, que le « marketing de soi » est aujourd’hui indissociable de la chose artistique. M’enfin, n’y a-t-il pas, tout de même, une différence entre poser une fois l’an dans Gala avec mari et enfants devant ses croissants et se voir enjoint, à cinquante printemps, de brancher un flux perpétuel entre soi et les autres, flux qu’il faudra évidemment alimenter selon un planning établi par contrat, sans désir, sans envie ? Bref ne passe-t-on pas dès lors de « donner de sa personne » à « donner SA personne » ?

Je n’ai absolument rien contre les réseaux sociaux, entendons-nous bien. Je tweete, je snape, je poste ma vie sur Instagram et suis celle de mes anciens camarades de collège avec attention sur Facebook mais c’est mon choix. Comme celui de Kendall Jenner, Cyril Hanouna ou Kev Adams de partager avec leurs fanzouzes le contenu du bol de leur petit déjeuner ou la couleur de leur slip et c’est tant mieux (ou tant pis). Si l’envie est là, oui, mais la prostitution digitale imposée par ces fameux contrats du 21e siècle n’est-elle pas d’une indécence absolue ? Car il est entendu que pour accumuler les followers, il faudra irrémédiablement sortir du simple spectre promotionnel consistant à communiquer sur une sortie de film ou de livre, ne nous leurrons pas.

Allez, Juliette, c’est pour Insta ! Fais-nous un selfie no make up ! He, Gégé, tu nous prends tes côtes de porc en Clarendon, t’as rien posté depuis hier ? Catherine, Catherine, tu nous snaptchaterais pas ta soirée avec Isabelle au café de la Mairie ? Tes fans attendent, et les producteurs avec. Allô, Victor ? Bon, pour la sortie en poche des Misérables, ils demandent combien tu as de followers, j’ai vu que ton compte était un peu en sommeil. Va falloir y aller, là, coco, sinon ils bloquent la promo. Vincent, top ton Periscope sur le tranchage d’oreille, t’as gagné 10 000 abonnés, la galerie a adoré…

L’autre jour, alors que je me réjouissais d’avoir 20 likes (oui…) sur une photo Instagram (nous sommes peu de choses), mon fils m’a posé cette question fort à propos : « Mais on gagne quoi, maman, avec les likes ? »

Je vous laisserai méditer sur cette réflexion qui me laissa coite. Quant à exiger des idoles qu’elles lèvent définitivement le voile sur leurs existences dont les producteurs semblent croire que nous exigeons avec force de tout connaître, j’espère qu’elles sauront, ces comédiennes, ces auteures, ces artistes en tous genre qu’on tente avec autorité de soumettre aux lois dites des Millenials (qui n’ont par ailleurs rien demandé) mettre les limites, et construire autour de la légèreté de leur être ce fascinant mystère qui fait (fit ?) tout le sel du star-system tel qu’il fut originellement nommé.

La Nouvelle Star saison Joey est-elle la meilleure ?

nouvellestar

Alors non, cette saison, disons-le nous tout de go, il n’y a ni Julien (Doré) ni Christophe (Willem). Bref, pas d’ovni sorti de nulle part qui vous fasse annuler un date Tinder sexoprometteur ou une soirée portable pour scotcher devant votre télé, seule pour mieux vous concentrer en attendant la prestation hebdomadaire du génie musical (remember les inoubliables Sunny ou Moi Lolita).

En revanche, alors que la quinzaine de gratteux venus tenter leur chance au télé-crochet le plus célèbre du PAF est enfin sélectionnée, quelques talents émergent, qui pourraient bien créer la surprise (Patrick, mon chouchou Suisse monoexpressif aux faux airs de Taïg Khris qui aurait troqué son tee-shirt Waïkiki pour une chemise à pois de hipster helvète, Florie la surdouée enamourée, Manu le perché aux faux airs de Bernard Lavilliers et Mélanie, bien sûr, première de la classe pour une fois pas à gifler).

Ajoutez à cela une belle ambiance fraternelle, l’enthousiasme pur d’une jeunesse passionnée plus souvent scotchée à son instrument qu’à son smartphone (ce qui est très cool, convenons-en), et la nostalgie toujours palpable des premières images d’un programme qui nous suit finalement depuis si longtemps qu’on ne saurait s’en détacher (malgré la tentative avortée de M6, qui voulut un temps enterrer Dédé tsss), il n’en faudrait déjà pas davantage pour que je vous conseille grandement de poser vos mardi pour suivre les « aventures » de nos zikos férus de revisite chorale.

« Mais ça n’est pas tout ! », comme le dirait notre cher Denis B.(rogniard). Car il est un élément qui, cette année, ajoute un peu plus de sel à ce programme dont on aime l’impertinence, le verbe libre, les jugements dézingueurs et les avis cash d’un jury qui n’a pas pour feuille de route d’écouter bigotement les candidats, les mains jointes, les paupières closes, avant de les abreuver de compliments, et ce nouvel élément s’appelle JoeyStarr. Il est pourtant peu de dire que je garde un chien de ma chienne à cet individu dont certains actes odieux envers la gent féminine eussent pu (dû ?) l’interdire à jamais d’antenne tant ceux-ci s’étaient avérés infâmants mais voilà, comme le dit Serge Aurier (non, pas « c’est une fiotte » mais), on a tous droit à une seconde chance. Et Le Jaguar l’a saisie. Avec panache.

Drôle (eh oué), étonnamment discipliné, tour à tour ému ou ouvertement affligé derrière ces lunettes qui cachent des années d’excès, l’ex leader de NTM que nous avons tant aimé assure grave en chaussures. Complice avec notre Dédé Manoukian bousculé dans sa confort zone, un chouille moins loooonguement lyrique et en apparente admiration béate devant cet énergumène à la voix du diable, Didier Morville agite gentiment nos trois compères manifestement ravis d’accueillir ce nouvel ami. Sinclair joue les jaloux, Elodie Frégé irradie comme toujours de féminité lors que notre petit nouveau découvre une à une les épreuves d’un programme qu’il n’a probablement jamais regardé mais que, sous couvert de nécessité financière et de je m’en foutisme de mauvais garçon argué dans les interviews, il semble bien kiffer. Finalement.

Bref, on dînerait bien avec ces quatre-là, qui portent finalement cette Nouvelle Star 2016 plus encore que la bande de petits jeunes qu’ils se sont choisis pour accompagner en musique leurs soirées de potes du mardi soir. Alors oui, peut-être avaient-ils raison ceux qui commentaient le premier soir de diffusion : « il faudrait rebaptiser le programme JoeyNouvelle Starr ». D’autant que bientôt, les primes seront en direct, laissant le champs libre à l’électron certainement ravi de pouvoir désinhiber le bobo collé devant son écran devant son bol noglu, mais aussi le boss Vincent Bolloré qui pourrait bien s’en mordre les doigts d’avoir laissé les clés à ce fou dangereux-là. Ou pas. Car le buzz, bon ou mauvais, est souvent roi.

En tous cas, je sais pas vous mais moi, je serai là.

Ah, et allez Patrick, hein ?

Cyril Hanouna ou quand les petites beautés s’invitent à Matignon

delormeauhanouna

Si la TNT et ses abominations télé-réelles tendent à éteindre peu à peu leur rayonnement débilisant hors du cadre qui leur a pourtant été consigné, un nouveau phénomène inquiétant se produit cependant. Enfermés dans cette antichambre baroque de la télévision française, ses surpuissants survivants, gavés à la gloire 2.0 et forts de leurs centaines de milliers de followers extatiques, semblent avoir pris assez de force pour s’extraire de leur condition clownesque et investir… les ors de la république.

Pour preuve, lundi soir, la « bande à Cyril » (Hanouna), jamais à court de blagounettes de pensionnat, décidant d’appeler le Premier ministre, notre sévère Manouel, sous le prétexte que Mathieu Delormeau, le souffre-douleur consentant offert aux hyènes de la star de D8, aurait bien déjeuné avec lui.

« Allô Manuel Valls ? Rhihihi c’est Cyril Hanouna », qu’il a gloussé, le protégé de Bolloré, entouré de sa cour orgastique et incrédule, alors qu’au bout du fil, l’homme censé trimer 24/24h avec nos deniers se demandait ce qu’il pouvait bien foutre à l’antenne à converser avec le zigoto aux sardines. « Y’a Mathieu Delormeau qui voudrait déjeuner avec vous rhihihi. Comme Léa Salamé avec le président vous voyez rhihihi ». Et le Mathieu, comme une adolescente qu’on pousse sadiquement vers l’élu de son cœur a priori peu enthousiaste, d’oser quelques mots au catalan sans humour. « Euh… héhé… c’est Mathieu Delormeau. »

– D’abord, qui est cet individu ?

Droit dans ses pompes cirées, au garde à vous, l’ancien premier flic de France eut la réplique cinglante lors que les autres individus, ivres de la cruauté qui habite les compagnons de galère, riaient de bon cœur devant la énième humiliation de leur bouc émissaire.

– Je déjeunerai avec votre chef ! continua alors le puissant homme d’Etat, plus à cheval sur les convenances qu’une Nadine de Rotshild organisant une réception chez l’ambassadeur. Vous (le fameux Mathieu, donc) nous rejoindrez pour le café.

Merde alors. Voilà t’y pas que le bouffon des ménagères s’est donc invité à Matignon. « Salut ma p’tite beauté ! T’es trop sexy tu sais ! Nous à TPMP on t’adore, hein ! Mon Manu ! Tu regardes la télé ? Tu connais les sardines ? Et Valérie Benaïm, tu la connais ? Elle te kiffe mon biquet. » On n’ose imaginer la teneur des propos de ce face à face improbable rapetissant l’homme aux sourcils froncés au rang de jouet offert au chat surpuissant de l’access, ravi de balancer ses griffes sur le chef du gouvernement, ronronnant de surpuissance, le ventre offert à ses valets exaltés par tant de réussite chez leur idole tyrannique.

La semaine dernière, c’est « Capu », la gueulante coprésentatrice du « Mag », accessoirement et opportunément devenue compagne officielle du petit prince Sarkozy, qui se rendit à New York, accompagnée de son fidèle et élégant Benoît, sur les terres de sa proie. Sans sa Josiane mais lové contre sa nouvelle BFF orange devenue princesse consort, ledit Benoît a donc tout naturellement pris ses quartiers dans la Grosse Pomme chez Cécilia, laquelle, on l’espère, avait déserté le loft cossu, laissant le braillard trio entasser ses kilos de shopping frénétiquement enchaîné dans la cité de Woody Allen.

Alors, c’est quoi la next step ? Enora Malagré à l’Elysée ? Les Marseillais à l’Assemblée ? Le Président dans TPMP ? Dans une société du spectacle où les puissants d’hier sont en perpétuelle quête d’une large visibilité médiatique, doit-on se résoudre à l’inévitable mélange des genres qui pousse, chaque semaine, un énarque à répondre à l’interview de Closer devenu le lieu privilégié de la prise de parole politique ? Demain, les candidats en campagne viendront-ils papoter avec EnjoyPhoenix pour toucher ses millions de jeunes fans ? Emmanuel Macron ira-t-il chiller dans la chambre de Norman pour « toucher un large public » parce qu’il faut bien s’adapter, madame, à la scène d’aujourd’hui ?

Il y a quelques semaine, Yann Moix nommait Cyril Hanouna Ministre de l’Inculture, déclenchant la ire de son « aréopage de pétomanes» courroucé qu’on pût s’en prendre au maître autant qu’à ses vassaux. Et pourtant, à l’approche de la Présidentielle , et en l’absence éventuelle d’un Grand Journal probablement remplacé par un show tenu par Jean-Marc Morandini (oui…), il faudra bien s’attendre, mes petites beautés, à ce que le peoplitique tel que nous l’avons connu se meuve en une popolitique popu où les plus forts seront les meilleurs clients d’un salon cathodique transformé en foirfouille à neneus.

« Eh François ! François ma beauté ! On appelle Valérie pour faire la paix ? Allez on rigoooole mon Fafa ! Y m’fait trop kiffer ! »

Et pour revoir l’affligeante séquence :

 

Non, Johnny Depp n’est pas sauvage. Il est vieux.

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Un jour on découvrit Tom Hanson, qui d’un coup d’un seul délogea dans notre cœur tous les autres beaux gosses d’OK Podium réunis. Son air rebelle, ses cheveux dans les yeux, ce petit air de bad boy vaguement iroquois qui semblait nous dire « viens », et scotcha toute une génération de teen-agers devant les aventures de flics ados gominés vêtus de perfectos. Bref, on a toutes été raides dingues de lui. De Johnny. Johnny Depp. Le rêve de notre adolescence, qui investit donc le star-system en policier affriolant avant de faire volte-face, choisissant des films un peu chiants, vaguement d’auteur qu’on fit semblant d’aimer parce qu’on était accro à ce piège d’ado tatoué qu’on voulait sauver de ses démons (« L’histoire de ce garçons aux mains en couteau suisse, c’est trop incroyable ! Non mais quel acteur. » / « Dingue, n’empêche, ce poisson qui vole dans le désert, non ? Siiii, j’ai aimé Arizona Dream ! ») Ce que tentèrent par ailleurs de faire les quelques baby-dolls passées dans sa vie, qu’on ne parvint même pas à détester tant elles incarnaient avec lui un idéal de couple « je t’aime moi non plus », fascinant, excitant, différent. Winona, Kate, et puis Vanessa, bien sûr, dont l’intervention ubuesque dans le destin de cette icône intouchable et quasi irréelle vint parachever le mythe.

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La vie planquée à LA, Lily-Rose qui gazouille sur des morceaux bohème, l’air un chouille cradingue d’une petite famille bobo au bonheur extatique, qu’on entrevit rarement, au détour de quelques photos volées, enchanteresses, alors que l’idole semblait avoir peu à peu décidé de ne plus rien jeter. Non, madame. Pas une breloque, un vieux bracelet acheté au marché de St-Rémy, pas une perlouze de bois pendouillant en mode chapelet d’un jean assurément très très sale ne devait alors quitter l’amoncellement étrange de quincaillerie qui ornaient, tel un sapin, un Hanson en mutation. Devenu soudain « Johnny le porte-clés ». Diantre. Voilà t’y pas que le rebelle, le sauvage, l’indomptable et fragile Depp semblait se fondre, après année, dans son personnage un rien gavant de Jack Sparrow, le pirate rimmelisé qu’il avait finalement accepté d’incarner pour les studios Disney. « Pour les enfants », disait-il. Aux soirées, la sexitude décalée fut bientôt troquée pour des accoutrements pour le moins loufoques, que nous fîmes pour quelques derniers instants encore semblant de considérer (« ce fute pingouin + groles de maquereau + crucifix, on aime ou bien ? Vous avez l’eau courant, dans votre mas ? Enfin, il existe des shampooings secs, hein. »).

Puis il y eut la rupture, Vanessa brisée, rentrée en France malgré leurs belles promesses d’éternité, et l’annonce plus ou moins officielle que le poète avait cédé au démon de midi, comme tout un chacun, comme un banal père de famille employé de banque qui craque pour sa secrétaire. En l’occurrence, Johnny était tombé pour une collègue post-ado bisexuelle à la beauté renversante rencontrée sur un tournage. Banal, triste, nul. Et c’est à CE moment que nous avons ouvert les yeux. Et vu sous la quincaillerie, les chapeaux troués, les gilets de notaire élimés et les bagouses Claire’s accessories, la bedaine, le teint cireux, les cheveux gras, le cou épaissi et l’air hagard de l’idole vieillie, traînée bêtement par sa jeunette sur le tapis rouge, comme un papi un peu perdu, poussé à papouiller sa promise devant les photographes, lui historiquement si discret. Qu’est-ce que vous voulez, ça fait plaisir à la petite, de jouer au couple glamour sous les flashs. C’est qu’il faut l’impressionner, assurer. Alors Johnny a jeté aux orties tous ses beaux principes de rebelle, définitivement opté pour ce look suspect finalement pas loin de celui de l’autre Johnny (ouais, Hallyday). Et qu’il vendit, enfin, son âme au diable, signant pour une marque de luxe, vendant son image au grand capital pour mieux récupérer un peu de ce sex-appeal qui fit tant rêver la donzelle, laquelle collectionnait selon ses propres aveux les posters de la star dans sa chambre de jeune fille.

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Alors, « sauvage », le Johnny quinqua ? Non. Vieux.

Tu sais quoi, Johnny ? On aurait bien aimé que tu vieillisse paisiblement à l’ombre d’un olivier avec toute la petite famille plutôt que Lily-Rose pose à 16 ans pour Vogue un pétard dans les cheveux ou que tu crânes bêtement avec la coupe de Sean Penn et la chemise à Garcimore pour un parfum idiot.

Las, les amours de jeunesse, c’est vrai qu’il vaut finalement mieux ne pas les revoir…

Allez, adieu, Johnny !

Le ghosting de Charlize

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Nous avons tous été confrontés au ghosting.

Vous le savez certainement, malgré leurs serments d’amour dégoulinants à la presse (en mode « je n’ai jamais vraiment aimé avant » pour Sean, « il est l’amour de ma vie » pour Charlize), le couple chelou de Hollywood s’est contre toute attente séparé il y a quelques jours. Comme ça, paf. Et c’est Charlize qui aurait congédié le tyran à la caravane, sans préavis ni SAV, fin de l’histoire. Les raisons ? Sean aurait fricoté avec une cascadeuse moche, parvenant à la mettre dans son lit à coup de longues récitations nocturnes de poèmes écrits par lui-même (l’enfer).

Mais ce qui m’intéresse dans cette histoire, ce sont les précisions apportées par US Weekly concernant la méthode de rupture utilisée par la femme qui ondule en robe lamée or sous une pluie de paillettes scintillantes et classieuses. Grosse déchirade, lettre incendiaire, vengeance diabolique, chauffage du meilleur pote, écriture d’un best-seller sur leur vie à deux, confidences sur les prouesses sexuelles de mister moustache ? Point du tout. Charlize a opté pour la bonne vieille technique du… ghosting. Le principe ? Cesser tout simplement de répondre aux appels, sms, mails, sérénades de rues, bouquets de fleurs, lourds sous-entendus Instagramiques, déclaration à la craie sur trottoir, bref, à toute approche plus ou moins lourdingue pour entrer en contact avec le rompant. En bref : Faire. La. Morte. En mode 2.0.

Très prisée du sexe masculin, la technique du ghosting, d’une lâcheté certes incontestable mais d’une facilité fort séduisante, prit véritablement son essor à l’avènement de la présentation du numéro, et comporte il est vrai nombre d’avantages. Elle demande peu d’efforts, permet d’éviter le pénible entretien de licenciement au cours duquel il est de bon ton de répondre aux dizaines de questions plus ou moins similaires signifiant toutes peu ou prou « pourquoi ? » ou encore « mais t’es sûr(e) ? On pourrait peut-être réessayer » et évite de potentiellement rompre ses bonnes résolutions en raison de l’aspect physique tragiquement désirable de son interlocuteur.

En terme de linguistique, il est des termes qui comblent une béance lexicale notoire. C’est le cas de « relou » ou de « chanmé », par exemple, qui n’avaient pas d’exact équivalent dans le vocabulaire originel, et s’avèrent aujourd’hui indispensables au commentaire de toute vie sociale normalement vécue (« Comment elle est RELOU cette meuf », « Ce concert était CHAN-MÉ »… what else ? »). C’est également le cas de « ghosting », dont vous vous rendrez compte après avoir lu ce billet que vous serez amené à l’utiliser plus souvent que vous ne l’auriez cru, pour finalement l’intégrer totalement à votre prose personnelle. Vous pourrez dire « Vas-y je vais le ghoster, j’ai la flemme », « je me suis fait ghoster », ou tout simplement « elle m’a ghosté », avec la possibilité de rajouter, sentencieux, « à la Charlize », et tout le monde comprendra.

La vie amoureuse n’est certainement pas la seule soumise au ghosting, puisqu’il est plus que fréquent de se faire professionnellement ou amicalement ghoster (« putain ça fait dix mails que je lui envoie, il me ghoste grave ! », ou même : « la babysitter me ghoste je te jure c’est relou »). Fait notable et bien ennuyeux : du ghosting au stalking* il n’y a qu’un pas, que le ghoster fait franchir de force au pauvre ghosté hanté par tant de silence insondable.

Ghostés de tous bords, ne tombez pas dans le piège que vous tend votre despote mutique en mettant le doigt dans le tragique engrenage du harcèlement assumé en forme de « foutu pour foutu je le rappelle une centième fois ce connard ». Ne devenez pas le stalker hystérique pour lequel il cherchera à vous faire passer, justifiant ainsi sournoisement son pleutre ghosting auprès des spectateurs de votre sombre rupture digitale. Et rassurez-vous, selon une récente étude, 16% des hommes avouent avoir déjà été ghostés au moins une fois dans leur vie. Et 24% des femmes. Oui, on ne se refait pas.

*Terme originellement appliqué aux harceleurs de stars, étendu à l’ensemble de la population digitale depuis que celle-ci s’est pris dans son ensemble pour un people de la planète Web.