Les femmes détestent leurs belles-mères, et réciproquement. Oui, ok, beaucoup vont dire « mais nan, la mienne est top, je l’adore ! On est si proches… » Certes, toute règle a son exception mais cça n’est certaiment pas sur celles-ci qu’on va gloser donc osef*. Bref, depuis que la monogamie (d’apparence) existe, et que les femmes vivent assez vieilles pour pouvoir s’immiscer dans la vie de leur progéniture mâle devenue adulte, la relation maman-bru a toujours été la plaie des pauvres bougres tiraillés entre ces deux Statues de la Commandante de son quotidien.
Certes, la cohabitation autour d’un même être sur lequel deux femmes considérent chacune avoir les pleins pouvoirs, c’est un peu comme partager une paire de pompes avec sa sœur : impossible. Et que c’étaient les miennes avant, et que tu me les as abimées, flinguées même, alors que je te les avais confiées COMME NEUVES, on la connaît. Maman fait la gueule parce qu’elle doit maintenant en référer à sa bru pour un peu tout et rien, comme si elle avait revendu des parts de sa société à une méchante multinationale qui, malgré les utopiques promesses initiales, écartait l’air de rien le fondateur pour reprendre les rennes et changer carrément l’ « ADN de la marque ». Quant à ladite bru, elle reste pieds et poings liés à cette espèce de sénateur qui, sous couvert de passation de pouvoir actée en lieu dit officiel (mairie, église…), attend confortablement d’inlassablement retoquer les lois votées par le gouvernement en place. Bref, comme dans tout lieu où le pouvoir s’exerce à plusieurs, ça joue des coudes pour obtenir les faveurs du monarque tout en savonnant la planche d’autrui.
Et alors le mari-fiston, le pauvre, tiraillé entre sa maman, celle qui l’a porté, torché, lavé, bordé, engueulé, aimé, câliné, lui offrant ses plus belles années, et cette femme qui l’en a délivré pour lui offrir un foyer, des baisers, des soirées télé, des bébés, est-ce à dire qu’il ne pourra que fatalement subir cette inimitié ancestrale entre les deux femmes de sa vie, dictée par une loi inamovible contre laquelle il ne peut RIEN ?
C’est ce que j’ai longtemps cru. Jusqu’à hier soir. Lovés sur le canapé à zieuter d’un œil distrait le « que sont-ils devenus ? » de « L’Amour est dans le pré », mon concubin et moi-même observions bêtement ces agriculteurs en quête de cet être divin cathodiquement porté jusqu’à leur étable pour venir leur « faire des petits ». L’un deux, radieux, racontait qu’comment il avait trouvé cette bonne fée, en la personne d’une certaine Marie dont, ô surprise, la belle-maman, des larmes plein les yeux, disait le plus grand bien. « La Marie, elle est formidable », concluait-elle même avec enthousiasme son récit au cours duquel nous apprîmes que ladite « LaMarie » débarassait sans qu’on ait à lui demander (une perle, disait-on). Le fiston, lui, semblait aux anges.
Et c’est alors que j’entendis mon compagnon de canapé s’exclamer : « Ah le con ! Trop content que sa femme et sa mère s’entendent bien ?! Bha mon gars, tu t’es bien fait couillonner ! »
Berner. Flouer. Enfumer. Embastiller…
Merde. Et si c’était ça, le secret de cette inamovible mésentente entre les mères et les femmes ? Et si les hommes décidaient initialement de tout faire pour que le courant ne passe pas et qu’ainsi jamais ces deux êtres déjà spécifiquement interventionnistes n’unissent leurs forces. Car qu’adviendrait-il si, ensemble et en surnombre notoire, cette bête à deux têtes intergénérationnelles s’unissaient pour régenter chaque pan de son existence sans plus jamais lui demander son avis ? Ne serait-il pas, effectivement, plus arrangeant de jouer les arbitres (mous, certes), les chevaliers blancs partis défendre l’une ou l’autre auprès de son adversaire domestique, de nier avec une mauvaise foi effarante les attaques manifestes de la partie dite adverse (« Mais nan, elle ne fait pas TOUT pour t’énerver ! Tu te montes la tête. Elle t’adore… ») ?
En bref si, sous couvert de ne « rien comprendre aux histoires de bonnes femmes », les hommes nous roulaient dans la farine depuis des générations dans le but ultime de n’avoir qu’un maître (ou qu’un feu d’emmerdements) par foyer et surtout pas de pont, d’entente, d’organisation entre les deux rives de son existence ?
Bha moi je dis que ce serait pas con… car chacun sait qu’il faut diviser pour mieux régner ou, comme on dit à Koh-Lanta : pour gagner, les alliances contre toi tu éviteras.
CQFD…