Du bonheur de ne pas lire le JDD tous les dimanche

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D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours passé mes dimanche avec le « jidédé » collé aux basques. Petite, face à mon père planqué derrière les grandes pages achetées à l’aube, au kiosque, avec les sacro-saints pains au choc dominicaux, je feuilletais déjà le « supplément femme » (« Tiens, ton journal ! ») -, n’y captant pas grand-chose mais débutant dès lors une tradition qui ne devait plus me quitter.

Trente ans plus tard, je prends toujours le même plaisir à acheter, chaque dimanche que Dieu fait, le Journal éponyme. Et pourtant, depuis que j’ai des enfants, et donc mille obligations sucrées, sportives ou tobogganesques, une gueule de bois pas possible parce que quand on dort de 3h à 6h, elle ne vous quitte pas malgré trois dolipranes et six litrons de thé vert, force est de constater que je n’ai plus le temps de le lire. Et vous non plus.

Enfin soyons francs. Vous aussi. Vous matez la couve. Que vous commentez : « Dingue ce crash d’avion ! Tu crois que c’est Daesh ? PUTAIN MAIS MERDE qui a renversé du Nutella sur le tapis ?! Ca sent pas la merde d’ailleurs ? PFFfff, bon ok je vais changer la couche. » Puis le feuilletez quelques heures plus tard, après avoir trainé votre vieille carcasse au marché, en commençant par la fin, quitte, parce que vous n’avez certainement pas le temps de décortiquer la grande enquête sur les intentions régionales de vos concitoyens. Alors vous lisez les critiques de restos qui ne sont JAMAIS de votre quartier, et dont vous oublierez le nom dans la seconde, après avoir pourtant promis de vous y rendre la semaine suivante (« Hein chéri ? Regarde çui-là il a eu 7/10 y paraît qu’y zont un super brunch ! Oh tu m’écoutes ? »). Entre deux parties de Uno, un tour au parc dans la brise glacée de l’automne et un atelier pâtisserie transformé en session aspirage de farine balancée aux quatre vents, vous chopez quelques phrases des critiques ciné, d’une interview d’actrice énervante et tentez, avant la nuit, de connaître le programme télé du soir (lequel n’est pas en dernière page, ce qui n’est pas bien pratique, avis aux éditeurs signé une très fidèle non-lectrice).

Au cours de vos déambulations diverses de ce jour du seigneur, vous aurez embarqué avec vous la feuille de chou, sans son supplément, resté bien propre et posé sur la table du petit-dej malgré le sourire de Bruel en couve vous incitant à lire son interview et le blabla de Claire Chazal qui vous y attendent à l’intérieur, femme. Parfois, lorsque vous n’aurez pas eu le temps de le choper de bon matin, vous ferez néanmoins tout Paris pour le trouver, coûte que coûte, malgré le jour qui s’éteint, le bain à donner, les légumes à éplucher, les devoirs à terminer, les cartables à préparer et la certitude d’avoir moins de temps encore pour non-lire votre Graal. Que vous emporterez finalement, lasse, percluse de courbatures et le corps fatigué par les activités familiales harassantes, dans votre lit. « J’te prends le Jidédé ! ». Alors que retentissent au loin les hourras des supporters du PSG et les chafouinages de Gros Pierre Menez à la mi-temps.

Et, alors que vous tentez avec bonheur de vous plonger dans les pages Livres passionnantes de votre bonbon hebdomadaire, vous sombrez dans un sommeil enfin réparateur, lovée contre votre cher amas d’articles délaissés mais non moins désirés, heureuse d’avoir pu, comme chaque fin de semaine, non-lire avec passion le Jidédé. Vivement dimanche prochain ! Lisez du papier.