Disneyland Paris, where the queue come true…

Avez-vous déjà fait la queue avec un enfant de deux ans et demi pendant une heure ? Avez-vous ensuite répété cette joyeuse expérience plusieurs fois de suite, sous le cagnard et entourée de centaines d’autres familles au rythme de chansons joyeuses diffusées a très fort volume sonore ? Bienvenue a Disneyland Paris, le monde merveilleux de Disney reconstitué à une heure de Paris dans la jolie banlieue de Marne La Vallée, où vous pouvez vous rendre en RER (et vous aurez raison), ou encore en voiture, que vous pourrez devrez alors garer dans un parking situé à une quinzaine de minutes en tapis volant roulant de l’entrée du parc, pour la modique somme de 15 euros. Cling (bruit de tiroir-caisse) !

Arrivée aux abords de notre Neverland national, vous passerez, en compagnie de votre progéniture excitée, devant une cinquantaine de faux magasins aux allures d’épicerie de Mme Oleson.

« Nan mon chéri on ne va pas acheter tout de suite un seau de pop corn Picsou à 1700 euros. Maman a dit NON ! Si tu n’es pas sage, on s’en va OOOOH regaaaaarde c’est Tic et Tac ! »

Putain mais ils sont ou ces personnages Disney ? Vous balayez alors du regard l’horizon bondé et, outre d’inquiétantes smalas en surpoids encombrées de ballons hélium Mickey, point de Pluto ni de Stich a l’horizon. Damned.

« Location de poussettes et de fauteuils roulants »,

pouvez-vous lire plus loin. Pfft, s’ils croient qu’ils vont nous avoir avec leurs produits dérivés. « Hein mon Titi, t’es un grand maintenant, plus besoin de poussette ! »

Vous entrez alors dans le parc, enthousiaste à l’idée de renouer avec le monde féerique de votre enfance…

Vingt minutes plus tard, vous n’avez toujours croisé aucune figurine Disney, pas même un Rapetou. Quant à Titi, il a depuis longtemps renoncé à marcher, et passe des bras de son père aux épaules de sa mère, et ainsi de suite, lesquels se sont peu à peu sanglés des pulls et sacs de toute la famille tant le thermomètre a grimpé. A moins que ce ne soit l’haltérophilie infantile qui provoque ces subites suées. A part de multiples ranchs dans lesquels on s’empiffre de sandwichs nachos-cheddar-sauce barbecue-sucre glace accompagnés de sodas XXL, point d’animation à l’horizon. Vous êtes déjà là depuis une heure.

Soudain, le miracle se produit ! Un petit train !

« Le p’tit crain maman ze veux faire le p’tit crain ! »

« Mais bien sûr mon amour, quelle bonne idée ! »

Sur le chemin menant à la « gare », vous trouvez même par terre un plan du parc. La bonne humeur revient. Vous êtes une famille heureuse, unie, toute prête à entrer dans l’univers fantasmagorique de feu Michael Jackson.

Temps d’attente estimé : 45 min, 

pouvez-vous lire sur un petit écriteau, en joyeuse typo broceliandesque.

Concubin : « Mmmh n’importe quoi. C’est forcément moins ! »

Vous : « Bha oui, forcément ! »

Dans la queue, un obèse prend en photo l’intérieur de la bouche de sa compagne, une grosse femme aux cheveux roses. Ensuite, il lui montre le rendu afin qu’elle trouve l’endroit où poser son ongle pour retirer le bout de nuggets qui semblait la gêner. Titi saute, s’échauffe, veut monter DANS LE CRAIN. Ouf, il arrive… 20 personnes montent dedans. Le cordon de sécurité est refermé avec autorité par un employé déguisé en chef de gare (salopette Osh Kosh, bandana, casquette). Devant vous, 80 personnes patientent avec résignation. Beaucoup ressemblent à ces candidats à l’humiliation qu’on voit dans les programmes comme Confessions Intimes ou Vis ma vie.

Quarante-cinq minutes plus tard, vous voilà finalement dans un wagon, accompagnés de la famille Adams (tous en noir, ils regardent dans le vide l’air éteint. Pourtant, ils ne semblent pas employés par le parc). Avec stupéfaction, vous découvrez dans le wagon adjacent qu’un couple sans enfant a patienté lui aussi une heure pour prendre place dans le chemin de fer en papier crépon. Ils sont venus d’eux même, par plaisir, tous les deux. Vous pensez alors, avec la voix du mec qui fait les  reportages dans « Capital » : « Ces couples qui viennent le dimanche après-midi à Disneyland Paris faire la queue pour prendre le petit train : qui sont-ils, que cherchent-ils, quels sont leurs réseaux ? Enquête ! »

Deux stations plus tard, vous descendez tout ragaillardis par cette balade au grand air de 4 minutes.

« Maman ze veux aller dans les fusées qui tournent ! »

Aucune interdiction aux moins d’1,40 m pour cette attraction, que Titi peut donc faire. Elles sont assez rares pour que vous vous éxécutiez sans broncher.

Temps d’attente estimé : 60 minutes.

Concubin : « Mmmh n’importe quoi. C’est forcément moins ! »

Vous : « Bha oui, forcément ! »

Forcément, ce serait trop atroce… Et pourtant, c’est bien une heure plus tard, après vous être refilé un Titi en mode anguille sous ecstas (essayez d’attraper une anguille sous ecstas qui, elle-même, chercherait à échapper à votre étreinte), l’avoir menacé de tous les maux (« Si tu continues je t’emmène à l’école TOUT DE SUITE ! »/ « Tu ne mangeras plus JAMAIS de chocolat ! » / « Tu ne verras plus JAMAIS maman ! ») et avoir échangé maints regards compatissants avec quelques familles alentours, dont une femme charmante à la coupe de Tony Vairelle, que Concubin et Titi prendront place à bord d’une fusée (vos fesses étaient finalement trop grosses pour que vous puissiez monter avec eux, vous avez dû battre en retrait et faire coucou d’en bas). Quelques 37 secondes plus tard, vous les retrouvez à la sortie, poussés par le personnel excédé. Dehors !

Vous êtes là depuis 2h30. Vous tentez alors les tasses d’Alice au Pays des Merveilles. Ca a l’air un peu naze, du coup y’a pas grand monde.

Temps d’attente estimé : 15 minutes.

Dix minutes plus tard, alors que vous tournez à fond la caisse, le dernier verre de St-Estèphe que vous avez accepté la veille à 2 heures du matin vous revient en mémoire… Blurp.

« Bon allez, une dernière et on y va ! »

« Ze veux faire Dumbo ! »

Temps d’attente estimé : 60 minutes

Concubin : « Mmmh n’importe quoi(…)C’est f… »

Vous : « BON, on fait le calcul ?!! »

La queue se fait sous une bâche. Là, des familles entassées et excédées comprennent toutes ensemble ce que l’enfer doit représenter. Et pourtant, elles sont venues ici sans contrainte. Elles ont même payé pour ça. Les enfants, les uns après les autres, se mettent à pleurer, qui dans les bras de ses parents qui n’ont même plus la force de les engueuler, qui en se suspendant aux barrières qui donnent sur des étendues d’eau dont le danger ne fait plus peur à personne. La musique tourne en boucle, assourdissante. La queue fait des serpentins, si bien qu’il est impossible de calculer l’état de son avancement.

Concubin : « Tu fais la gueule ? »

Vous : « Nan. Je me tâte entre la pendaison au lasso Indiana Jones ou la noyade dans l’étang de Peter Pan. »

Concubin : « Oh, t’es pas marrante ! »

Titi : « Pipiiiiii ! Pipi ET CACA ! »

Concubin : « RETIENS-TOI !»

Vous : « Mais tu vois bien qu’il peut plus se retenir. Rien à foutre on va pisser à travers la barrière. Z’ont qu’à pas nous laisser poireauter 2 heures avec un enfant de 2 ans. Ouvre ta braguette, Titi ».

Titi : « Naaaaan ze veux pas faire pipi ICI ! »

Le tour en Dumbo aura duré 23 secondes.

Lorsque vous en descendez, et après avoir fait la queue aux toilettes (temps d’attente estimé : 1 minute. Un luxe), il est 19h15.

Dans 1h30, vous serez de retour chez vous. Vous aurez fait 4 manèges et 4 heures de queue.

Si vous n’aviez pas eu les billets gratos, il vous en aurait coûté 70 euros +  les extras = 4000 euros.

Votre mec vous hait. Votre enfant dort, et il ne sait qui est Mickey que grâce au ballon hélium que vous lui avez finalement acheté à la sortie. 5,50 €.

Dans la voiture, en silence, vous repensez au slogan de Disneyland Paris : « Rien que d’y penser, ça fait rêver ».