Autoreverse…

Le temps passe et passe et passe et beaucoup de choses ont changé…

Vous souvenez-vous de cette révolution technologique à la célébrité fugace et qui, pourtant, rendit perplexe une génération entière d’adeptes du magnétophone ? Autoreverse… Lu ce matin dans un Harlan Coben tenu à bout de doigts dans une ligne 13 bondée, le mot m’a balancée sans prévenir en plein revival eighties. Rappelez-vous…

Assis en tailleur sur votre lit une place équipé d’une toute nouvelle trouvaille du monde de la literie, entendez la couette, vous écoutiez avec concentration vos cassettes préférées grâce à votre magnétophone reçu à Noël. « Bad », « Entre gris clair et gris foncé », « Sauver l’amour », « Faith », « Babacar », vous déposiez en éventail vos cassettes au plastique usé avant de choisir l’ordre dans lequel vous les écouteriez. Puis, ayant inséré l’une d’elles dans le magnéto, vous vous empariez de la jaquette, laquelle était en fait un long papier habilement plié sur lequel, outre la photo de couverture, vous lisiez avec délectation toutes les paroles des chansons pendant que l’artiste chantait (« I’m bad. I’m bad. You know it. Han Han »). Malheureusement, après avoir déroulé une première fois le goodie en serpentin, il vous était ensuite absolument impossible de retrouver la manière dont le fabriquant avait bien pu le plier pour finalement parvenir à faire apparaître la couv sur le dessus (« une fois en dessus, une fois en dessous, le tout re-en-dessous. Et meeerde ! »). Un véritable casse-tête, un peu comme les plans des villes qu’on visite.

Ca, c’était quand vous aviez acheté le vrai album, à la Fnac ou chez le disquaire (ou encore que vous l’aviez emprunté à la discothèque municipale). Oui, ça se faisait pas mal, à l’époque, de donner de l’argent à l’artiste, justement pour avoir ces paroles, parce qu’on n’avait pas Internet et qu’on ne comprenait rien à l’anglais. Et pourtant, grâce au « double radio-cassette », il était néanmoins facile de s’en faire copier une par un copain de classe. Mais on était comme ça, nous, dans les eighties, des défenseurs du droit d’auteur.

Après le morceau 6 ou 7, si vous aviez commencé une autre activité telle qu’écrire dans votre journal intime fermé par un cadenas dont votre petite sœur avait mangé la clé ou encore commencé un Roal Dahl en Folio Junior, vous deviez vous relever pour changer la cassette de face. Mettre la face B, quoi. Bha ouais.

Jusqu’au jour où… l’autoreversing a débarqué. Vous n’en avez pas cru vos oreilles quand vous avez voyagé pour la première fois dans la nouvelle Fiat Panda de votre père et que, sans vous en rendre compte, le radio-cassette de celle-ci est allé sans demander son reste jusqu’à la 11 de « Ainsi soit je ». Bha ça alors ! « C’est autoreverse », qu’il a dit, votre père. « Il change la cassette de face tout seul ». Mais nan…

Aujourd’hui encore, et bien qu’on vous ait expliqué que l’appareil lisait, en quelque sorte, la bande à l’envers et ne retournait pas de l’intérieur, dans ce tout petit habitacle, la cassette comme vous l’aviez envisagé au départ, vous restez incrédule et admiratif devant un tel miracle de technologie, lequel aura connu une gloire éclair, rapidement balayée par un tsunami de révolutions technologiques. RIP autoreverse.

Ainsi soit je, ainsi sois tu, ainsi soit-il…

Vous souvenez-vous du 16 pour sortir ?

Amis fossiles de la génération X, vous souvenez-vous de ce temps pas si lointain où le politiquement correct n’était pas encore enraciné et où, logiquement, nous avions posé un code pour entrer et sortir de Paris ?

Aux natifs post-85, et ils sont (malheureusement et mystérieusement) de plus en plus nombreux, lisez bien ce flash-back pour comprendre d’où viennent vos aînés. Si les baby-boomers ont eu le 22 à Asnières, nous avons eu le « 16 pour sortir ». « Quoi çaaaaa ? », comme dirait mon fils…

Retour au siècle dernier. Visualisons en noir et blanc pour l’ambiance (ou en jaune « Traffic » selon vos préférences). Eté 87, vous avez été collé chez votre grand-mère parce que vos parents ne peuvent pas vous garder pendant deux mois de vacances. Aujourd’hui, vous comprenez mieux cette impossibilité qu’avaient vos darons de vous garder pendant toutes les « grandes vacances » puisque que les parents c’est maintenant vous et que vous n’avez effectivement ni l’envie ni le pouvoir de jouer aux Lego à la maison pendant 70 jours, et que c’est quand même un kiff de pouvoir se débarrasser des gosses en plein mois de juillet pour aller s’envoyer des binouzes en terrasses. Mais c’est une autre histoire. Retour chez mamie. Vous regardez donc la retransmission en direct du Tour de France sur Antenne 2 avec votre pépé dans une chaleur estivale normale parce que à l’époque y’avait des saisons ma petite dame. Simultanément, vous tripotez avec ennui un rubik’s cube aux étiquettes décollées ou tentez de faire des arrondis sur votre ardoise magique pour occuper vos doigts parce que vous n’avez pas de smartphone. Plus tard, quand pépé sera allé faire les commissions au Felix Potin pour rapporter du Banga, vous en profiterez pour zapper à la main sur les boutons protégés par un petit clapet en plastique du gros poste de télé un peu poussiéreux, et vous actionnerez sagement trois fois le « plus » pour atteindre la 5 et mater en loozedé Marie Takigawa et Jeanne Azouki jouer au volley. Vers 19h, votre grand-mère viendra vous chercher pour que vous appeliez maman. Vous vous assiérez sur la chaise spécial téléphone, devant un guéridon porte-téléphone éventuellement recouvert d’une petite broderie spéciale « je protège la table spéciale téléphone du téléphone au cas où il serait sale» puis, donc, vous vous saisirez dudit téléphone, lors que votre grand-mère collera le petit écouteur (très pratique !) placé derrière à son oreille après en avoir déclispé les boucles. Et c’est là qu’intervient notre propos. Votre maman (habite et) travaille à Paris, mais (les pauvres !) pas vos grands-parents. Votre grand-mère vous dira alors cette phrase fort énigmatique pour les générations actuelles : « N’oublie pas de faire le 16 / 1 ».

Explication : Le 25 octobre 1985, il a été très judicieusement décidé que la France serait téléphoniquement divisée en deux zones : Paris et le reste du monde. Euh… non, le reste du pays. En effet, entrer et sortir du cortex ne se faisait pas si facilement ! Non madame, on n’entrait pas à la capitale comme dans un moulin ! Quand on appelait de la province, on faisait le 16, déjà, parce que c’était un appel « interzone », puis le « 1 » parce qu’on entrait DANS PARIS. Après, vous étiez pas sûrs sûrs de rentrer non plus. Non, ça c’est pas vrai. Imaginez : « Oh, le provincial, là ! Ouais, toi là-bas le bouseux ! T’as fait ton 1 ? Non ? Bha tu sors ! Non mais, il se croit où, lui ? »

Qu’il est étonnant de se remémorer avec quel naturel nous avions alors accepté la mise en place de cette frontière virtuelle d’un snobisme effarant. On oublie ces choses-là et pourtant Paris a donc eu son mur « 1 », ses barbelés numériques, son cordon de sécurité… Bref, son videur, son Bak, quoi. Le 16 est tombé le 18 octobre 1996, ramenant l’Ile de France à sa triste condition de quidam parmi les départements français. Paris a ouvert ses frontières et plus personne ne se souvient du 16 Bziiiiiiiiiiiiiiiiiiii 1 tuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu 368 27 24. « Allô maman ? J’m’ennuiiiiiiie ! »