Le gang des « mamans prévoyantes »

A chaque début de saison c’est la même chose. Vous attendez paisiblement que la précédente s’efface à pas feutrés, laissant poliment sa place à la suivante, avant de lever subitement la tête. Ahurie. Ou plutôt, en bad. Exaspérée par votre incapacité à apprendre de vos expériences passées. Oui, parce qu’à chaque nouvelle saison depuis maintenant des années (moins si vous débutez dans le secteur de la maternité), vous vous faites royalement carotte par le gang des « mamans prévoyantes ».

Mais si, vous savez, ce groupuscule intimidant de mères qui consignent bien au fond de leur tête, avec la précision d’un codeur de la Nasa, les dates auxquelles il est fortement recommandé de filer en boutique pour tout rafler avant qu’il ne soit trop tard. Les bonnets, moufles, gants et collants avant octobre. Les slips, intercalaires multicolores, agendas, feutres effaçables, cartables et cartouches bleues avant mi-août. Les maillots de bains, shorts, lunettes de soleil et sandales avant les premiers sursauts du mercure. Ouais, en plein mois de mars, elles sont là. En embuscade, organisées, silencieuses, à remplir leurs paniers d’été avec une discipline toute germanique pendant que vous, cigales naïves, vous en êtes encore à vous congratuler d’avoir dégoté en ligne (à 15 euros la livraison depuis l’Antarctique) un pull en laine pour le petit dernier qui se les pelait depuis des semaines (le Monop’ ayant évidemment été dévalisé par ladite mamafia). Résultat, quand vous vous rendez enfin compte que ce serait pas mal de choper une casquette pour les kids rapport au soleil qui tape pendant les barbecs du mois de juin (« Mamaaaan, ça brûle ! »), ou que vous découvrez avec horreur de la liste infinie du trousseau de colo, c’est trop tard. Elles ont agi. Encore une fois.

« Vous n’auriez pas des brassards », demandez-vous alors, penaude, au monsieur de chez Décathlon, qui part dans un éclat de rire sardonique devant votre pitoyable désorganisation maternelle. « MOUWAHAHAHAHAHAHA ! M’enfin madame, on est sur les crampons pour septembre, là. » (intérieurement : « Elle a pas la lumière à tous les étages, celle-là…Pauvres gosses ! ») Ah, et… vous savez où je pourrais en trouver ?

Sachez-le. Si vous faites partie de ces gens qui ne savent pas ce qu’ils font au mois d’août suivant dès septembre, ou qui n’arrivent pas à acheter un billet de concert pour dans deux ans, le gang aura toujours un bon train d’avance. Trop rapide, au courant de tout, il aura toujours acheté, désétiqueté, lavé, repassé et cousu au nom de son enfant toute la marchandise saisonnière disponible sur le marché.

Petite consolation : lorsque, emplie de rage et de cette force maternelle immense surgie du tragique de la situation, vous parviendrez finalement à mettre dans un panier de eshopping le dernier bob en 7 ans de tout le réseau mondial, vous serez alors envahie par un sentiment de fierté inestimable, probablement proche de celui expérimenté par une daronne préhistorique parvenue à fabriquer un sac à dos en peau de mamouth à son petit dernier ébahi devant tant d’ingéniosité (« T’es vraiment trop forte, maman »).

Un sentiment qui ne gagne plus depuis bien longtemps les membres du réseau précité. Blasé. HAHA, on fait moins les malignes, hein ?

Cheh, le gang !

Pourquoi c’est beaucoup plus marrant de partir en vacances avec plein d’enfants ?

Avant, quand vous étiez « jeune », vos vacances c’était farniente, grasses matinées, apéros qui s’éternisent au coucher du soleil, sorties jusqu’au petit matin à refaire le monde, siestes crapuleuses, séances bronzages et debriefs entre copines, bouquinage de best-sellers jusqu’à plus soif, roucoulades dans les champs de blé déserts ou voyages au bout du monde… Et pourtant, si vous aviez alors connu le bonheur des vacances en familles, vous auriez immédiatement jeté aux orties ces programmes futiles et ennuyeux pour goûter le plus rapidement possible à ces petits bonheurs quotidiens qui sont les vôtres lorsque vous décidez, avec vos amis jeunes parents, de partir en smalas. Et si l’on y réfléchit bien, que d’avantages…

1. Les conversations sont fluides

Eh oui, le top lorsqu’on est en permanence entouré d’une dizaine d’enfants piaillant comme des moineaux affamés, c’est qu’on n’a pas à faire d’efforts de conversation : à peine avez-vous commencé une phrase que l’un ou plusieurs d’entre eux vous coupe alors sans vergogne la parole afin d’exprimer, de manière fort répétitive et sonore, ses desiderata du moment :

–          « Et ça va bien, toi, en ce moment ? »

–          « Bha écoute, le truc c’est que… »

INTERVENTION : « Maman po avoir un gâto… Poavoiirungato… PoavOIRUNGATO PO »

–          « Hein ? Quoi chaton ? Un bateau ? Oui, donc tu disais… ? »

Simultanément : « Ouais, à mon boulot, c’est pas la fête, et puis ma vie tu vois… » / INTERVENTION SONORE : « TATOTATOTATO »…

2. Vous ne boulottez plus de biscuits apéro, ni de biscuits tout court d’ailleurs…

Quand vient l’heure du rosé (y’a une heure pour le rosé ?), vous n’accompagnez plus vos grandes rasades d’olives, cacahuètes, tartines de tapenade, saucissons régionaux ou succulents gressins achetés à prix d’or à la boulangerie du village… Pour la simple et bonne raison que, lorsque vous déboulez avec votre grand plateau de victuailles, la horde de nains affamés ne vous laisse aucune chance. Organisés, rapides car très jeunes, performants, ils piquent en nuées vers les bols en terre cuite avant de s’écarter quelques minutes plus tard vous ayant laissé, magnanimes, les pistaches fermées. L’ivresse vous gagne alors plus vite, vous vous coucherez donc plus tôt. D’un sens, tant mieux… (cf. la suite)

3. Vous faites du sport

-« Elle est à combien la piscine ? », vous enquerrez-vous à votre arrivée dans la belle maison de vacances de votre hôte ?

-« 12 °C »

Sa race. Hors de question que vous trempiez la moindre parcelle de votre peau inutilement épilée pour l’occasion. Ça va pas, non ?

Et pourtant lorsque, quelques heures plus tard, le petit dernier, affublé de ses gros brassards Nemo, vous glissera timidement, tête de labrador abandonné et fesses à l’air à l’appui (plan marketing efficace et étudié) :

« Baban pisciiiiiine moi », vous hésiterez quelques secondes, drapée dans votre épaisse serviette éponge ainsi que dans votre dignité, un Grazia tout frais ouvert sur vos genoux… avant d’avoir de vous l’abominable image d’une vieille pétasse égoïste et flemmarde dédaignant son devoir de mère devant un auditoire scandalisé.

Et là… vous pilonnerez alors consciencieusement la glace formée a la surface de l’eau pour vous y jeter, en sanglots, avec votre progéniture enthousiaste. Raffermissement express des tissus et estime de soi immédiats !

4. Vous avez un wagon de TGV rien que pour vous.

« Regroupons-nous dans la même voiture, ce sera plus sympa ! ». Génial ! Neuf adultes et huit enfants profitant avec enthousiasme des infrastructures mises à leur disposition par la SNCF, ça crée vachement de liens avec les autres occupants ! Et puis, lorsque vous aurez fini de ramper dans toute la voiture pour retrouver la cape Batman de votre fils, soulevant sans vergogne les jambes d’inconnus apràs leur avoir lancé des regads courroucés et injustement accusateurs, puis lorsque, tous ensemble, vous aurez balancé sur l’assemblée ébétée des pluies de chips Lays achetées 1€ au wagon-bar et arrosé consciencieusement le sol de bières tièdes et de pom’potes éventrées, et enfin agrémenté le tout d’une odeur tenace de vomi suite à l’indigestion desdites chips Lays par le petit Samuel, vous vous rendrez compte avec bonheur que ne restent plus présents à votre petite sauterie que des personnes de moins de dix ans accompagnées de morts-vivante excédés. Yeaaaaaaah, envoyez le ziiiiiiik !

5. Vous découvrez des plaisirs inédits

Confortablement installés à table pendant la sieste tant attendue de la smala, vous entendez avec effroi un pleur d’enfant. Un ange passe. Tous, vous tendez l’oreille, vous jetant des regards tour à tour soupçonneux ou angoissés.

–          « C’est le tien ? »

–          « On dirait bien, soufflez-vous alors avec désespoir », repoussant (en tentant de contenir votre exaspération) votre assiette de grillades chaudes à peine entamée. Arrivée devant la porte de votre chambre, vous n’entendez cependant aucun bruit… Et pour cause…

C’est alors avec une joie triomphante maquillée sous un air désolé et compatissant que vous faites rapidement votre grand retour à table : « Amandine, je crois que c’est Charlie ! » Qui c’est qui va manger froid et coagulé ? Pas vous en tous cas !

La vie est faite de petits bonheurs simples…

6. Vous comprenez que vos enfants ne sont pas les pires

Relou de se taper les devoirs de Raphaël, 6 ans, le dimanche soir ? Difficiles, les caprices de votre grand ? Et pourtant, à côté de l’épreuve réveil a 5 heures du mat’, vomi dans la voiture, changeage de couche crottée en plein malaxage de chair a saucisse ou balades sous la pluie pour occuper le sous-groupe « petite enfance » de votre grande smala, vous prenez conscience du caractère enviable de votre sort. Vous ressortez de ce week-end plein d’amour et de reconnaissance pour vos enfants, et d’auto-admiration pour votre teint reposé (vs. les visages en papier crépon / cheveux de paille hirsutes de vos copines mères récentes). Vous comprenez alors  l’expression « chacun voit midi a sa porte »…

7. Vous faites des économies

Au-delà du fait que vous pouvez tout pécho en format familial, le fait de se balader avec une dizaine d’enfants dans un marché ou, pire, un supermarché, vous fait paradoxalement acheter moins. Le temps d’en perdre un ou deux, de faire10 fois, hirsute encore, les allées, slalomant entre tomme de brebis, poules vivantes et olives aillées, de les retrouver agglutinés devant un distributeur de bubble-gums des années 60, attendant patiemment qu’un bonbon tombe par l’opération du Saint-Esprit, attrapé lesdits bambins sous vos bras, retraversé les allées, cherché, avec désespoir, le restant de votre communauté ayant effectué le même parcours que vous, et essuyé les regards menaçants des représentants du sexe mâle, excédés par cette très longue session courses, et bha vous n’avez quasiment rien acheté… Économique. En plus, le stress et vos courses effrénées vous auront fait griller plusieurs centaines de calories. Les enfants, c’est diététique.

8. La voiture, ça passe trop vite !

Voiture de loc = pas de siège-bébé, ou alors pas pré-accroché (c’est vrai qu’à ce prix-la, ce serait trop beau de bénéficier  de ce service grr…), et pas non plus de radio-cd digne de ce nom. Résultat, un chaleureux concert au volume crescendo donné par de jeunes chanteurs surexcités, tentant du même coup d’échapper aux bras de leurs parents au crâne défoncé, ignorant souverainement les regards noirs et menaçants du conducteur au bord du nervous break-down, ainsi que ses grandes tapes dans le vide, coincé qu’il est par la route à regarder. Un concert gratuit, donc, au cours duquel l’ennui ne peut vous gagner à aucun moment. Après, on aime ou on aime pas, question de goût… « abacoooo abacoooo a-BA-COOOOO AaAAaAaAaA BBBbAQAaAaAaA KEUUUuUuquq »

Bref, les vacances en smala, c’est vraiment le top ! Le tout, c’est de ne jamais se laisser dominer par la communauté des moins de dix ans. Leur surnombre, leur organisation, leur énergie et l’accès au pouvoir d’un leader parmi eux peut surprendre et, sans qu’ils s’en rendent compte, déstabiliser la société d’adultes affaiblis par le manque de sommeil ou l’excès de boissons. Heureusement, quelques jours au bureau leur permettront de recharger les batteries pour aborder efficacement les week-ends de mai puis les longues semaines estivales. Comme disait notre ami dominical Jacques Martin, les enfants sont formidables !

« Moi parent, je ne ferai plus… »

Devenir parent, c’est merveilleux. On découvre l’amour inconditionnel, on s’esclaffe devant des blagounettes zozottées qui ne font rire que nous, on est couvert de bisous emmiettés, on se fait offrir des chouquettes à la boulangerie en poussant son enfant au pire des tapinages, on redécouvre les joies de la pâte à sel, des Playmobil et du multi-visionnage du même DVD (Némo, Cars ou Barbapapa) dont on finit par connaître les dialogues par coeur (« Han, et quand Barbouille il fait a Barbabelle… » : au boulot, la star de la machine a café, c’est nous !), et puis l’on acquiert un statut, on devient « quelqu’un », on est « Le Papa » ou « La Maman de Titi ». Mouais, c’est vrai, c’est top. Mais, amis célibataires ou concubins de longue date qui rongez votre frein en attendant désespérément que votre Keum vous demande en épousailles avant de vous engrosser pour que, vous aussi, puissiez boire de la Ricorée en famille au soleil le dimanche matin, je me dois de vous mettre en garde, voire même de vous pousser à reconsidérer l’urgence de votre envie frénétique de changement de vie, car il est des plaisirs orgasmiques qu’il vous faudra abandonner à tout JAMAIS lorsque le nain aura investi votre quotidien.

Quand aux autres, ceux qui ont déjà mis la Stan Smith dans l’engrenage, pleurez maintenant. Meuuuh, s’qu’elle dit, celle-là ? Listen to me, et on en reparle en fin d’article.

1/ Moi, parent, je ne lirai plus

Adieu matinées bénies où vous pouviez vous prélasser, un bon roman calé sur l’oreiller, passionné par l’intrigue haletante, sirotant sereinement un thé bien chaud posé n’importe où, sans peur de l’accident domestique. Allez hop faignasse, il est 7h, on bouge ses grosses fesses et on va se les cailler sur le carrelage de la cuisine à regarder, l’oeil torve, le biberon tourner dans le micro-ondes. Vachement plus cool, non ?

2/ Moi parent, je ne niquerai plus

J’exagère, disons je ne niquerai plus quand j’en ai envie. Non, je serai soumis aux rares créneaux que le mini-squatteur omni-présent aura bien voulu nous laisser dispos dans nos emplois du temps de ministre : « T’es dispo demain, entre 5h et 6h du matin ? Nan, bon bha on essaye de se croiser dimanche a l’heure de la sieste ? ». Nan mais sérieux levons le tabou, j’ai enfin compris pourquoi certaines mères deviennent hystériques avec le divin sommeil de leur rejeton, soufflant, écarlates, des CCccchuuuuuuut IL DORT comme si un serial killer se trouvait derrière la porte. En fait, c’est surtout leur pause syndicale à laquelle elles tiennent tant.

3/ Moi parent je ne mangerai plus de trucs compliqués

Non non, moi parent, en particulier d’enfant en très bas âge, j’appendrai a manger vite, froid, et de préférence d’une main, parce que l’autre me servira a couper des morceaux de poisson pané dans une assiette en plastique Barbapapa pendant qu’on renverse des verres d’eau tiède dans la mienne. Non je ne maigrira néanmoins pas car, à bout de nerfs et soumis aux fringales, j’engouffrerai par la suite et en dehors des repas une multitude de de confiseries diverses pour compenser.

4/ Moi parent je ne boirai plus

Enfin, avec modération, quoi, un peu comme tout. Gna gna gna. Il suffit de tenter une ou deux fois la compatibilité du programme : mélanges d’alcool+ coucher 5h avec carrelage cuisine/chauffage lait à 7h + courses au Monop + parc+ brunch familial pour se muer naturellement, mais avec du dégoût pour soi-même, en ces fameuses et abjectes personnes qui, à 1 h çà peine, disent : « j’vais y aller, hein, chus crevé, épi demain avec le p’tit, ‘fin tu sais… », suivi d’un clin d’oeil complice a l’hôte soûlé. Moi parent, je deviendrai rabaj.

5/ Moi parent je j’irai plus au cinéma

Ou plutôt si, j’irai tous les trois mois, en mode « sortie de l’année », apres avoir checké auprès de proches, de nombreux médias, blogs et forums, le bien-fondé du choix du film, puis réservé mes places à l’avance en payant 1 euro de frais de dossier pour être sûr de pas me faire recaler à la séance parce que j’ai pris une baby-sitter bookée une semaine à l’avance pour le grand événement. Moi parent, je débourserai pour cette modeste « sortie » 10×2 (places ciné) + 25×2 (p’tit restau, soyons pas rat) + 4×8 (nounou) = 102 euros (104 avec mles frais de dossier). Moi parent je trouve que la VOD et même les locs payantes sur iTunes c’est pas reuch en fait.

6/ Moi parent je ne prendrai plus d’apéro improvisés

Non, quand on m’envoie un texto a 19h pour me demander si ça me dirait de me la coller à la Palette en terrasse et que bha grave, eh bien moi parent je saurai que je n’ai d’autre choix que celui de rentrer car je n’ai pas prévu de baby, puisque cette proposition est imprévu. CQFD. Moi parent je m’enverrai une bière en scred’, seule, sur les carreaux froids de ma cuisine.

7/ Moi parent je ne fumerai plus dans mon salon

Non, j’enfilerai, l’hiver, doudoune et bottes fourrées avant de m’agripper au pan de la fenêtre, tentant désespérément de détourner le courant naturel de la fumée de ma clope qui, comme par hasard, se dirigera exprès vers la jeune personne aux poumons moletonnés. Quant à mes amis célibataires, ils préfèreront se la coller a la Palette plutôt que d’avoir a subir le même sort. Moi parent je serai un Inuit en appart.

8/ Moi parent je ne ferai plus de shopping le week-end

Sauf si l’on considère que choisir entre une guimauve et une gaufre au sucre glace s’apparente a un choix esthétique tel qu’on puisse appeler ça du shopping, je laisserai effectivement tomber les queues aux cabines d’essayage, les heures à essayer des ombres a paupière dans l’étuve réconfortante d’un Sephora et même, pire, je ne foutrai  plus jamais un doigt de pied (non manucuré, of course) dans un magasin de déco (je touche, je casse, je paye)…

9/ Moi parent je ne dormirai plus

Et je comprendrai enfin pourquoi mes propres parents étaient toujours « crevés », tenant le sommeil en haute estime, interdisant à tout individu âgé de plus de 3 ans de faire le moindre bruit de respiration avant 9h (grasse mat’ !!). Simplement parce que mes parents, comme moi, n’avaient pas dormi depuis 1000 jours. Les pauvres…

Alors, amis celibs et autres couples sans enfants, sachez que, comme dirait l’inspirateur de cette longue et redondante tirade, rien n’est « normal », ou plutôt pareil quand on est parent puisque les conditions sont exceptionnelles. La fonction de parent est une fonction exceptionnelle, qu’il convient d’assumer, bien entendu, avec tout le respect qui lui est dû. Votre quotidien traversera une crise majeure, en tous cas pour votre premier mandat. Alors, avant d’abandonner toutes les libertés offertes au citoyen lambda, et d’endosser l’habit officiel de « parent de la République », kiffez bien. Les autres, bons quinquennats (doubles voir triples), et si ce papier vous a plu, votez pour lui !

Avec Titi au Monoprix, non au quotidien quotidien !

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Tous les samedi, nous partons, Titi et moi-même, en expédition au Monoprix. Attifés comme c’est pas permis (lunettes triple foyer, pyjama + santiags pour moi, idem pour Titi, ravi de plus avoir à engoncer ses grenouillères dans des bottes en caoutchouc depuis qu’il a passé l’âge d’en porter, trainant bruyamment mais avec entrain le chariot de mémé que si on m’avait dit y’a 5 ans que j’oserais me trimballer avec ce truc dans la rue, je me serais immolée à la Pom’Pot direct).

9h02 : Entrée en fanfare dans le Monop’ qui vient d’ouvrir. Nous sommes des warriors des courses, un binôme qui force l’admiration et dont la complicité, visible, va nous permettre d’expédier cette épreuve en deux temps trois mouvements. On arrive tôt, parce que Titi ouvre commerce à 6h et qu’on a déjà une vie derrière nous. Et pourtant, une bonne grappe de personnes âgées faisait déjà la queue devant la porte close, nez à nez avec le vigile à travers la vitre pop-stickerisée, depuis une bonne demi-heure. On ne souligne d’ailleurs pas assez ce que Monop’ apporte au 3e âge.

(Passage discretos au « vous » pour une universalisation du papier et de l’expérience, et parce que je suis pas fana fana du « je » bloguesque…)

9h04 : Le caddie. Big deal. Les non-parents ne connaissent pas ça mais vous remarquerez que tous n’ont pas le petit siège enfant. Hum… Et qu’est-ce qu’il se passe quand vous n’avez qu’une pièce et que le caddie-siège est 3 caddies plus loin que le premier ? Les lecteurs scientifiques ont déjà résolu l’équation, alors que les autres tentent un schémas compliqué sur un post-it. Je vous arrête tout de suite, avec une seule pièce, c’est no way. Il faut donc vous rendre à l’accueil et faire face à une femme peu aimable qui vous jettera un jeton Monop’ sans un regard (« Quoi la dame l’est pas gentiiillle ? Quoi la jeté la pièèèèèce ?). Là, vous pourrez jouer à Fort Boyard en débinzant (de « binz » = truc = schtroumpf) un premier chariot, puis un second, que vous rattacherez au premier pour récupérer le premier jeton et ainsi de suiiiite Viiiite, la clepsydre ! SORS, SORS ! (Difficulté supplémentaire : « Nan c’est moi qui fais ! Nan c’est moi qui fais ! Nan BHOUUUUUuuuuuuuu »).

9h10 : Au rayon fruits et légumes. Carottes, brocolis, patates, pommes… Depuis que Titi est là, finies frites et pizzas, vous êtes sains ! Sauf qu’à force de vous venère devant la pesette à chercher 3 plombes la bonne étiquette avec la bonne photo de la bonne pomme (« Putain mais elle est rouge ou bordeaux cette p*** de pomme Canada ? Sten penses Titi ? Fait ch**** ! Vazy ça me soûûûûle ! ») avant de vous faire aider par une habituée de 87 ans qui appuiera direct sur le bon bouton, vous foutant définitivement la honte devant un Titi baba (« Poupoua la dame elle a crouvééé ? Poupoua maman l’a séneeeerve ? »), pas sûr que l’ulcère qui vous guette soit vraiment plus agréable au final que les bons vieux problèmes cardio-vasculaires dûs à la fréquentation assidue du clown Ronald. Du coup, raclure, vous prenez une carotte en scred’ que vous rajoutez dans le paquet déjà pesé et étiqueté, ou bien vous appuyez sur les tomates non-grappes premier prix alors que vous avez pris les plus chères, histoire de vous venger du temps perdu. Pathétique. (« Poupoua maman l’a volé la caroootte ? » – « Mais non, maman n’a pas volé de carotte mon chéri ! » – « Si » – « Non » – « Si » – « NON. Bon, tu veux tes gâteaux ou pas ? ». Affaire conclue. Pathétique again).

9h30 : Passage sans encombre aux rayons « adulte » (pas sex-shop mais trucs inintéressants pour Titi type lessive, café, beurre ou viande), si ce n’est une énième et longue tentative de comprendre le pourquoi des différences de prix entre les saumons norvégiens, irlandais et monopresque, 2 tranches, 4 tranches, fumé, cru ou poivré. Bon, vazy vous prenez de la truite saumonée. Le caddie se remplit ensuite tranquillement pendant que Titi tente inlassablement de rentrer le zigouigoui déclipseur du zeuro dans le trou (vous l’avez fait vous-même jusqu’à il y a encore très peu de temps), puis de retirer le jeton Monop’ en tirant dessus. Cric, slup, scratch, bring. Jusque là, tout va bien.

9h45 : Alerte rouge. Titi, soûlé du caddie, tente un suicide par décaddisation au rayon compotes, ce qui vous pousse à le libérer avec une anxiété grandissante. La bête est lâchée alors que le Monop’ se remplit de gens « normaux ».

9h50 : « TItiiiiii !! TITI PUTAIN STU BR**** fous ? T’es OUUUUU ? » Un brouhaha attire votre attention à ce moment précis… des rires au rayon confiseries… Affolée, vous débarquez hirsute en poussant difficilement le caddie qui roule (forcément) de traviole alors que Titi tient salon avec plusieurs boursettes octogénaires aux cheveux violets, les bras chargés de boîtes de biscuits, et qu’il cherche à se faire attraper des chocapik au dernier étage. Titi s’est grave cru dans « Pekin Express » (« Pas d’argent, moi. No money. You buy biscuits for me. ») Sourire crispé, vous allez devoir tenter de le faire lâcher prise sans encombre. Comme un keuf arrêtant dans la plus grande discrétion un délinquant en plein forum des halles un samedi aprem, la tâche s’annonce difficile. Et c’est 9 fois sur 10 que vous finirez par le trainer à même le sol, compulsivement accroché à des Chamonix qu’il aura réussi à sauver, ultime souvenir de son braquage en bande organisée.

10h15 : Après quelques difficultés rencontrées au rayon yaourts (« Nan pas ceux-là ! » « Si ceux-là ! » « Naaaaaan ! Naaaaaan ! Zaime paaaaaas ! » « Ca ! » – « Tu veux du ROQUEFORT ? » « VI ! » « Pff, n’importe quoi…. » sous les regards accusateurs des amies boursettes de Titi qui passaient par là genre « le pauvre petit »), direction le Monop’ beauté pour un petit moment de détente avant la caisse. Après ce Koh-Lanta du shopping culinaire, cet aparté s’apparente à un spa grand luxe. Et pourtant… « Tiens maman, CA ! » (du vernis bleu ?), CA, CA, CA ! Jetant allègrement tout ce qui lui tombe sous la main, Titi cherche alors à vous imposer l’achat de couches pour incontinences adultes, quatre boites de Tampax Flux extrême, une multitude de jouets, des gels douches à la papaye de Yougoslavie à 107 euros la bouteille, du PQ à n’en plus finir et finit par débarquer, après une absence inquiétante de plusieurs minutes, recouvert des multiples fards à paupières multicolores dont il s’est consciencieusement tartiné grâce aux échantillons « TEST » gracieusement mis à la disposition des clienTES par monsieur et madame Monoprix vos amis.

10h45 : Exténués, vaincus, vous vous dirigez tous les deux, le caddie plein et le pas lourd, vers les caisses encombrées par les supermamans organisées, propres, repassées, la queue de cheval fière et le bambin parfumé, alors que vous prenez seulement conscience de votre accoutrement qui, à 9h du mat’ dans un quartier désert et avec la seule présence de vos amis du troisième âge, vous faisait alors passer pour une hipster qui assume le décalage, mais fait en fait vachement plus clochard pas de luxe au grand jour. C’est donc morte de honte que vous confiez Titi et votre caddie à une dame dans la queue après vous être rendue compte que vous aviez zappé son lait. Vous courez alors, comme dans une épreuve coup de feu de Top Chef, vers votre ingrédient oublié, bousculant au passage un ancien mec pas mal avec qui vous étiez en seconde, qui, l’espace d’un instant, semble vous reconnaître, avant de conclure, certainement, que vous ne pouvez quand même pas avoir pris si cher en si peu de temps. Au moment de séparer une bouteille de Candia croissance du lot de six et de planter nerveusement votre index dans le plastique bien tendu, vous avez alors toujours ce réflexe de regarder à droite à gauche comme si vous braviez un interdit (on a vraiment le droit sérieux ?).

11h : Bip ! Bip ! Bip ! Après avoir foncé récupérer le caddie de mémé, vous tentez fièrement de tenir la cadence de la caissière survoltée, en tentant de ranger vos achats aussi vite qu’elle les passe devant son rayon laser. Mission quasi impossible, elle ruse, vous en êtes sûre. En plus, y’a trop de courses, ça déborde. Du coup, il faut prendre des petits sachets en plastique en plus et vous êtes immanquablement ralentie par les multiples et divers essais d’ouverture du sac bien collé par l’électricité statique (froissage nerveux, détachage appliqué l’à l’ongle, roulage entre le pouce et l’index, piétinement…).

11h15 : Vous avez la carte Monoprix ? Non. Et vous la voulez ? Vous fixez alors, incrédule, la meuf genre « Tu plaisantes j’espère ? Tu crois vraiment qu’après 2h de caddithon je vais remplir un formulaire pour accumuler des smiles que j’ai toujours pas DU TOUT compris à quoi ça servait ? » Devant ce long silence gêné et gênant, la caissière lâche l’affaire et annonce un prix TOUJOURS au-dessus de celui que vous aviez parié avec vous-même dans votre tête en faisant la queue. Pourtant, vous calculez souvent large et pas exprès en-dessous comme au « Juste Prix » où, si votre estimation dépassait le véritable prix de la vitrine, vous aviez perdu. 10 387 euros ! Sa race.

11h30 : Traînant avec difficulté le chariot lesté que Titi veux ABSOLUMENT tirer lui-même (« Nan sémoi ! Nan sémoi ! Nan sé…. »), soutenant à grand peine les petits sacs coupeurs de doigts de votre main valide, et tentant de garder un oeil sur votre compagnon d’infortune qui, de toute façon, est scotché au sachet à travers lequel on distingue les Chamonix (« Moi zen veux ! Moi zen veux ! Moi zen…! » – « OH ! Maman souffre ! »), vous rentrez alors chez vous, jurant vos grands Dieux que plus jamais vous n’y retournerez.

Et pourtant… Comme pour ces lendemains de fête où l’on jure que plus jamais on n’ingurgitera une goutte d’alcool, ou ces accouchements abominables très vite effacés des mémoires, c’est avec le même entrain que deux semaines plus tard, vous retournerez gaiement vous faire « Une Nuit en enfer » version urbano-conso. En plus, han, regarde Titi, y’a les 9 jours Monoprix du 2 au 15 mai trop COOOOL ! » – « Ah oui zi koul moi l’a lachté lé GATO ! »

Ce jour où la babysitter se rend compte que vous n’êtes pas de vrais adultes…

Toute ressemblance avec des personnages existants est totalement fortuite. Quant aux situations, elles ont été exagérées dans un soucis scénaristico-humoristique évident. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

La baby-sitter est l’une de ces abjectes personnes qui vous font prendre conscience plus que quiconque de votre âge canonique. Déjà, parce que lorsque vous la bookez, elle vous colle du « madame » partout en sms (Ho, Adèle, on a le même prénom. Sérieux me fais pas ça ! Oui, ma baby-sitter s’appelle Adèle. Bref), mais aussi parce que son regard… est le pire des miroirs. Et que lorsqu’elle consent à vous appeler par votre prénom ou vous tutoyer, elle semble toujours le faire avec des guillemets…

Cas pratique :

20h30 : Adèle arrive. Driiiiing !

–          Bonjour MADAME !

Pimpante, le visage plus tendu qu’un tam-tam, Adèle semble avoir à peine douze ans. Bizarre, quand vous étiez enfant, les baby-sitters vous paraissaient si vieiiiiilles ! Moins que votre mère, mais vieilles quand même.

–          Je peux avoir le code du Wifi s’il VOUS plaît ?

–          Oui, bien sûr ! Keum va VOUS le donner (vlan, à vouvoiement vouvoiement et demi). Titi, tu dis bonjour à Adèle ?

Titi fait semblant de pas savoir que vous alliez sortir, alors que vous vous agitez dans tous les sens depuis une heure en HUUUUURLANT que vous êtes CHEUM, le bousculant, lui brûlant la tête au sèche-cheveux, le traînant sur le sol alors qu’il vous suit comme votre ombre, accroché à votre collant filé comme un koala à son arbre, prenant un malin plaisir à essayer vos Louboutins avec ses pieds en-chausson-chausettonnés, puis à parader gaiement votre nouveau haut autour du cou tout en finissant sa Pom’Pot (ploc !).

Oups…

–          HA NON ! PAADEELE ! PAADEEELE !

–          Hihi, mais si, voyons, Adèle va aller te lire « Caca Boudin » (best-seller pour les enfants ndlr) dans ta chambre ! Hein Adèle ? (regard autoritaire)

Adèle est soûlée parce que, pendant les deux premières années de vie de Titi, elle ne l’a pas vu. Lorsqu’elle arrivait à 20h30, il dormait déjà. En gros, son travail consistait à tchater avec ses copines devant la télé à 8 euros de l’heure (oui, on donne 8. No comment). Now, c’est FINI Adèle la Sauterelle (autre best-seller pour enfants). Tu vas faire le sale boulot. Sourire crispé, elle commence :

–          C’était un petit lapin qui ne savait dire qu’une chose… CACA BOUDIN !

–          CACA BOUDIIIIIIIIN ! CACA BOUDIIIIIN !

Pendant ce temps, vous tentez péniblement de plâtrer votre visage parcheminé par les ans, et de ne pas vous sentir ridicule dans ces vêtements dont vous vous rendez compte qu’ils sont peu ou prou les mêmes qu’Adèle (en plus cher et moins bien portés). Là, vous vous remémorez qu’à l’époque, votre mère ne s’habillait pas DU TOUT comme la baby-sitter… Trop tard pour philosopher, vous appliquez une dernière couche de rouge vermillon sur vos lèvres sèches, attrapez  par le bras Keum, qui balance à Adèle tous les mots de vocabulaire « jeune » qu’il connaît (« grave », « chanmé », « et la Fac, ça roule ? » CA… ROULE ?! « Tu veux que je te trouve un stage dans la finance ? J’ai pas mal de contacts… » Pfft bon allez on y go !).

–          Bon, Adèle, prenez ce que vous voulez dans le frigidaire (mais pas la buratta pitié !) et surtout couchez-le tard ! (parents indignes, alors que vous savez très bien que coucher tard => lever tard n’est absolument pas une science exacte, vous la tentez malgré tout). Je vous envoie un texto quand on part de la soirée.

Dignes, parfumés à l’excès, clinquants, l’étiquette de vos nouveaux vêtements (achetés exprès pour ce qui, devons-nous l’avouer, est un peu pour vous la soirée de l’année) apparente, Keum et vous partez fêter les 35 ans d’un de vos meilleurs amis. Un samedi soir. Oui, comme les ploucs. Pour Adèle, vous êtes un couple de vrais gens, d’adultes, de papamamans, avec des métiers, des salaires, des factures EDF payées par virement bancaire, des assurances-auto et des parents à la retraite.

–          Vous me direz si vous rentrez avant 2h, comme ça je sortirai après ! lance Adèle à la volée.

Après ? Après 2h ?! Y’a des gens qui font ça ?

Oui, vous, il y a 4 ans à peine…

Vous partez rapidos, parce que le compteur d’Adèle a déjà commencé à tourné il y a un petit bout de temps.

[Interlude soirée

***** Pour un debrief détaillé de la soirée, merci de vous acquitter du forfait Debrief VIP****

*** Version light pour les raclures ***

Bonsoir – champagne – oh salut t’es là – champagne – bon anniversaiiiire Vincent ! – vin blanc (plus de champagne) – on va danser ? – vin rouge (plus de vin blanc) – dédèèè ba au collège Marcel Aymééé ? – vodka pomme – Vooon Anniberzèèèère Bincent ! – Vodka Jet – « Keum , faut rentrer il est 1h35 ! » – « Mais ggui êtes-vouuuuus ? » – « Bon ok on reste jusqu’à 42 » – Ouuééééé du champagne – 1h52 « Zalut Bincent je t’aiiiime mon poto zétait zuber ! » –  « T’as brévenu Adèle ? » ]

Retour maison

Dans le taxi :

–          Meeeerde, faut tirer de l’argent pour Adèle ! On lui doit combien ? Alors, 20h30, 21h30, 22h30… (toutes ces années d’étude pour compter sur vos doigts, que Keum regarde avec concentration en comptant silencieusement avec vous : un, deux, trois…). Non, attends, oh fait ch… avec cette demi-heure, là !

[parenthèse et ouverture de débat : en baby-sitting, toute heure entamée est-elle due ou compte-t-on en demi-heures ? Merci d’apporter vos contributions sous le post].

Donc, 20h30, 21h30… putain la prochaine fois on reste une demi-heure de plus ou on la fait venir à 21h ! Donc ça nous fait 5h30 à 8 euros de l’heure. Donc combien ?

–          Beuuu, auguuune idée !

–          Bien la peine de travailler dans la finance. Mmh 8×5 = 40 + 4 = 44€. Je vais pas lui filer 44 €, ça fait rat grave. Nan ?

[Tirage à la tirette… La tirette est du côté d’Adèle. Les tirettes font exprès, à une certaine heure, de ne distribuer que des gros billets. Le gang des baby-sitters a dû pirater les DABS pour qu’ils n’aient plus de petites coupures à partir de minuit.]

–          Haaaaan, ils m’ont filé un billet de 50 euros ! Je vais quand même pas lui demander de me rendre la monnaie ça fait radoche nan ? Nan ?

–          Mais viiile-lui les 50 !

–          Elle fait pas le report de minutes, Adèle ? On pourrait s’auto-créditer de 6 euros. 50 minutes de baby-sitting gratos pour la prochaine fois. Nan ?

–          Radine.

–          Poivrot.

Le taxi : 22 !

Quoi 22 ? 22 euros ! Pas de monnaie, pas de bonjour, pas d’au revoir, pas de sourire et regard suspicieux en prime comme si vous alliez vomir dans son épave. (« Zédunépave !», répète Keum en boucle, assez fort pour que le chauffeur vous haïsse. Peur qu’il vous emmène en forêt de Rambouillet pour vous violer et vous découper en morceaux).

2h01, devant votre porte : Putain ch… **$^=)’àçéiueoéu , où est ce p… de trou de serrure ? L’ont enlevé ! On bourra plus jamais rentrer chez nous !

Keum, défaitiste, préfère s’asseoir, puis s’allonger sur le paillasson, parfaitement résigné à vivre sur ce sol piquant (très piquant, surtout pour son visage, visiblement !), abandonnant son fils à une quasi inconnue de 20 ans fan de twitter et de Norman fait des vidéos.

–          Ménan, on va bien vinir par le trouver ! ADELE ! ADELE ! Je vé l’appeler !

Au bout de trois sonneries, vous entendez une porte s’ouvrir. Mais c’est celle des voisins du dessus. Meeerde on a réveillé lévoizins. Vous gloussez seule (rhirhirhi), car Keum ronfle.

–          Madame ?

Tiens, la voisine du dessus a la même voix qu’Adèle.

A moins que… KEUM ! On n’a pas de labrador dessiné sur notre paillasson, si ? Hein ?


Mademoiselle, Madame ? Le moment où ça bascule…

Traditionnellement, on fait en France la différence entre la femme non mariée (la demoiselle), et celle qui a quitté le marché, la dame. Autant dire la pucelle et la déflorée. Aujourd’hui, on se marie de moins en moins, et il n’est pas rare (haaaan) que certaines demoiselles aient malgré tout vu le loup un certain nombre de fois avant de se marier (ou pas). Donc la question se pose : à quel moment devient-on une dame (pour les inconnus, les commerçants, disons).
Réfléchissez : hier encore, quand vous alliez enchaîner les pintes avec vos copines en gloussant, les serveurs vous tutoyaient joyeusement, vous donnaient du « mesdemoiselles » et prenaient même quelques libertés comme vous jeter votre sac à main au visage parce qu’il les empêchait de circuler, ou encore vous imposaient de les régler à chaque nouveau verre commandé sous prétexte d’un « changement de service » de peur que vous ne fassiez un café-basket, faute d’argent, tellement vous étiez jeune et pauvre (et en basket, parce que vous n’aviez pas encore de « réunion client »).
Aujourd’hui, quelques années plus tard (si peu), vous avez rendez-vous avec la même copine, dans le même café… et pourtant…

Vous cherchez des yeux votre serveur préféré, Fredo l’alcoolo, que vous dragouilliez toutes en fin de soirée pour fumer à l’intérieur. « Fredo, il a deux enfants et il travaille au LCL », vous informe-t-on dans votre café, maintenant tenu par des Chinois. Quant au nouveau serveur, il ne vous regarde pas dans les yeux (même pas dans le cul Lulu) et vous demande d’un air lassé, le regard dans le vide : « Et pour mesdames, ce sera ? ». Votre boulangère ? Pareil ! « Bonjour madame, qu’est-ce que vous prendrez madame ? Au revoir madame ! » Et à chaque fois vous entendez : « Bonjour Vieille, qu’est-ce que vous prendrez, Vieille ? Au revoir, Vieille (et moche). », avec l’abominable impression d’être dans un mauvais thriller où  l’on vous aurait volé votre identité ou fait dormir plusieurs années sans que vous puissiez vous rappeler de rien (« Non, vous faites erreur ! Je ne suis pas cette personne ! Je ne suis pas une dame ! C’est un énorme malentendu ! hier encore je fumais des Chesterfield 25 au café en séchant les cours d’espagnol ! »)
Mais non, tout ceci est bien réel. Et ne nous voilons pas la face. Si, après une période de flottement aux alentours de trente ans, où l’on vous appelait, selon que vous étiez en Air Max-Rayban fluos ou costume de pingouin pour rendez-vous professionnel, Mademoiselle ou Madame, aujourd’hui,  un anecdotique « mademoiselle » illumine votre journée tel un bouquet anonyme reçu au bureau ou une erreur de la banque en votre faveur.
Certaines argueront qu’en présence de leurs enfants ou l’alliance bien visible, le « madame » s’impose. Ca ne compte pas, évidemment ! Il s’agit de tester l’image qu’un inconnu aura de vous « à nue ». Et si le « madame » n’est pas fonction du nombre de ridules venues décorer votre beau visage défraîchi par ces fameuses soirées à enchaîner les pintes et les clopes à l’intérieur grâce à Fredo l’alcoolo, il semble en fait s’imposer lorsque vous-même imposez… le RESPECT.

Eh oui, c’est pour ça que, quand on vous appelle madame, vous avez l’impression que votre mère a surgi derrière vous sans prévenir. Peu à peu, les petits jeunes n’osent plus vous siffler (même si vous continuez à baisser la tête par anticipation… pour rien ! Si parfois, pour vous taxer une clope style : « Oh MADAME, zauriez une clope siouplé, sauf vot’respect hein ! »), les serveurs n’osent plus vous draguer, vos stagiaires (nés en 1995) vous tutoyer, votre voisin vous engueuler… Etre une madame, c’est la loose totale. Heureusement qu’il reste les ouvriers.
Ca tombe bien, dans ma rue, ça fait deux ans qu’il y a des travaux. La seule différence, c’est qu’avant, j’accélérais le pas quand « tss tsss charmante ! » et qu’aujourd’hui, c’est limite si je m’arrêterais pas pour taper la discute (« Oh merci, c’est vraiment gentil ! Non vraiment, je le pense ! Non parce que j’ai l’impression que les gens n’osent pas m’aborder alors que blablabla……… »).

Il y a deux semaines, à la caisse du cinéma Pathé Wepler, on m’a demandé si j’avais le tarif étudiant. C’était le vendredi 16 mars 2012, et ça reste le plus beau jour de ma vie.

Non, ça n’est pas fini entre Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg…

Hier, j’ai appelé mon amie Laurence pour lui annoncer, entre autre, que ma bible Voici (que j’achète, moi, contrairement aux très nombreuses personnes qui « tombent dessus chez le coiffeur », et doivent avoir une vitesse de repousse de cheveux impressionnante pour être tellement au fait des news people) avait confirmé la rupture entre Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal. « C’est-pas-vrai », qu’elle m’a dit, Laurence, toujours étonnée de tout, alors qu’on la sentait venir, quand même, la rupture. Après, on a debriefé de la chose, forcément. Dans le genre c’est normal, de toute façon, on va tous divorcer ! En plus, ça faisait 15 ans qu’ils étaient ensemble, il s’étaient tenté le troisième enfant, le fameux, celui de la quarantaine qui relance la machine. Et vas-y que je glose sur les éventuelles tromperies ponctuelles de Yvan, lequel peut pourtant pas vraiment se le permettre, rapport au potentiel trendy de Charlotte, puis sur l’usure du couple en général, dans le show-bizness en plus t’imagines, Pete Doherty tout ça tout ça.

On est finalement passées vite fait sur cette histoire, déplorant quand même que l’un des uniques couples à long terme avec enfant, show bizness ou pas, qu’on connaisse et auquel on croyait dur comme fer pour pas se dire qu’on allait terminer seules dans un 2/3 pièces avec nos enfants pendant que notre mec se la coulerait douce avec une russe de 19 ans, se séparait, fatalement, malgré tout, et on est vite passées à Top Chef et à Jean Imbert, que Laurence trouve finalement mignon.

Quelques heures plus tard, j’ai reçu un texto de Laurence : « On est à la sortie du théâtre, Charlotte Gainsbourg est venue chercher son mari avec un petit bébé qu’elle porte en écharpe… alors tes rumeurs de rupture… », ajoutant quelques minutes après dans un second texto : « Et quand elle est arrivée il a dit : ‘ah, voilà mon ex femme’ en rigolant. »

Alors ce que j’en dis, cher Voici, c’est que c’est pas très sympa de me faire perdre ma gossip-crédibilité auprès de mes amis, j’ai l’air de quoi maintenant ? Et puis je suis déçue parce que sur les Français, normalement, c’est là que tu te démarques. Gainsbourg-Attal, Sinclair-Sthers-de Caunes-Cotillard ou les coups d’un soir de Biolay, c’est ton truc, c’est ce qui fait qu’on t’achète plutôt qu’un Closer ou un Public qui ne vont nous parler que de dépressifs de télé-réalité du câble ou de starlettes américaines qui ne nous disent rien. Alors, j’anticipe sur une éventuelle réponse du magazine qui me dirait « Chère Adèèèle, on n’a pas dit que c’était acté acté, mais nous avons des sources béton, on n’avancerait pas une telle info en Une blabla ». Je reprends donc tout de suite des phrases de l’article qui disent que « La séparation est désormais effective. Il ne reste plus que les questions juridiques à régler. (…) Aujourd’hui, la page est tournée… ». Sorry, tu peux me dire ce que tu veux mais aucune mère de trois enfants dont un en bas âge ne vient chercher, un samedi soir, en riant, le père de ceux-ci alors qu’ils sont en instance de divorce.

« La faille était sans doute trop profonde ». Mmhh.

La bonne nouvelle, c’est que je ne finirai pas dans un 2/3 pièces avec mes enfants, mes rides et mes fesses molles pendant que mon mec se prélassera  – avec une jeune yougoslave à peine pubère – dans notre appart dont on aura fini de payer le crédit. Enfin, pas forcément, quoi…

Pourquoi les vieux jeunes parents arrivent-ils en retard (hirsutes et sales) au boulot ?

Ca n’est un mystère pour personne, lorsqu’un trentenaire devient parent, les ennuis commencent, pour lui comme pour son employeur. Enfant malade, vacances scolaires, rendez-vous chez le pédiatre et autres gastros viendront enrayer la belle machine de la win patiemment mise en place par l’entreprise et le salarié depuis des années.

Oui, vous avez remarqué que dans votre boîte, les mères (et pères, mais c’est plus rare) arrivent invariablement plus tard, mais aussi plus débraillés que les autres… Qu’a-t-il bien pu leur arriver pour qu’ils terminent dans un tel état ? Quelle bataille ont-ils bien pu mener ? Ne pourraient-ils avancer leur réveil afin de se caler sur les horaires des autres ? Laissez-moi lever le voile sur un tabou millénaire…

Tout d’abord, n’allez pas croire que le parent se la coule douce. Sachez-le, il se lève à…

6h15. Parfois, il a même dû prendre son service de nuit auprès de l’enfant, décidé, pour une raison qui peut rester mystérieuse à jamais, à éclater en sanglots sonores toutes les heures, avec la précision d’un métronome (voici l’une des raisons pour lesquelles votre pimpante collègue semble avoir pris dix ans en quelques mois. Non, ça n’est pas l’accouchement, c’est l’après qui l’a transformée…)

A 6h30, donc, l’enfant, qui n’a aucune notion temporelle, est dans une forme olympique et souhaite naturellement petit-déjeuner IMMEDIATEMENT, après avoir allumé toutes les lampes de la maison. Afin de somnoler encore quelques précieuses minutes, le parent, contre les avis des Pernoud et autres « Tout se joue avant 6 ans » (la bible des mamans dites « concernées » par leur progéniture), emmène l’enfant, son biberon et sa tartine friable dans le lit conjugal. Lorsque le parent est bien hardcore, il met également à la disposition de l’enfant un iPad (ou Netbook selon la typologie familiale) et colle ledit enfant devant Oui-Oui, Sam-Sam ou Barbapapa (n’importe quel truc qui double les syllabes, en fait), et sombre à nouveau après avoir tenté de suivre les aventures passionnantes de ces personnages bruyants, l’oeil torve.
Réveillé par un passage à tabac en règle (gifles, doigts dans le nez ou gressin dans les oreilles), le parent a alors l’abominable bien que récurrente surprise de découvrir le pouvoir de nuisance de la minuscule personne qu’il a enfantée. Les miettes de la tartine se seront déposées jusqu’au fond du lit, collées parfois à l’aide du miel ou de la confiture qui l’agrémentaient, lesquels seront également venus badigeonner l’écran du bel et coûteux outil high-tech généreusement prêté à l’enfant par l’établissement.

7h. L’enfant a déféqué, et en rit… Une odeur nauséabonde vient alors envahir la chambre parentale qui, lorsqu’elle sera devenue insupportable, parvenant à traverser la couette sous laquelle se sera réfugié le parent exténué, le poussera bon gré mal gré à aller changer l’enfant. La sale besogne effectuée, le parent jette l’objet du délit, hermétiquement enfermé dans un coûteux « sac à couche » malodorant, dans la poubelle. Il en profite alors pour habiller partiellement l’enfant (qui continuera à le frapper, cette fois-ci avec ses pieds), pensant alors en avoir fini.

7h30 Le parent part se doucher, conquérant. Quant à l’enfant, incapable de s’amuser seul, il rejoint également la salle de bain où il tentera successivement de boire de l’après-shampoing, de se couper les doigts de pied, de se mettre du rouge à lèvre, dont il finira pas casser le coûteux bâton après l’avoir utilisé pour dessiner sur les miroirs, et terminera éventuellement mouillé, dans les pires jours, après avoir tenté de rentrer par effraction dans la douche. Dans ce cas extrême, il faudra réitérer la tâche précédente.

8h Le parent tente de se rendre présentable pour ses collègues, mais cet objectif sera le plus souvent vain, car l’enfant rendra cette mission quasi impossible, comme dans une épreuve de Top Chef quand les invités tentent de déconcentrer les candidats. L’enfant gémit, casse des jouets qu’il faut réparer minute, tente de mettre les doigts dans la prise, fait éventuellement à nouveau caca, ceci jusqu’à ce que le parent abandonne toute velléité de coquetterie, enfilant un jean impersonnel et une chemise propre, attachant ses cheveux à la va-vite, se disant que c’est déjà pas si mal (plus tard, lorsque son couple sera en péril, le parent n’aura d’autre solution que de faire appel à Christina Cordula : « Ma il faut preeendre du temps pour touaaa ma chairiiie ! »).

8h30 Le parent pense alors pouvoir partir mais, comme pour les travaux, ce sont les finitions les plus longues. Il rampe alors longuement sous les meubles – remplis de moutons de poussière agglomérés autour de legos ou petites pièces Playmobil que l’enfant est ravi de retrouver, lesquels moutons viendront naturellement se coller au jean impersonnel et feu la chemise propre du parent – pour retrouver les chaussures de l’enfant, puis les siennes (elles-mêmes remplies de divers objets type pièces, crayons ou nourriture), et finit même souvent par affubler sa progéniture de chaussettes dépareillées (on ne se refait pas). L’hiver ajoutera une dizaine de minutes à cette épreuve coup de feu (écharpe, gants et bonnets obligent).

8h45 Le parent et son enfant en poussette engagent une course contre la montre, slalomant comme ils peuvent entre les passants tranquilles, ceux qui se sont levés à 8h et, tirés à quatre épingles, paradent fièrement en talons de 15 et brushings longoriens. Lorsque la pluie vient corser l’épreuve, certains sont alors tentés d’abandonner comme dans Koh-Lanta (« Mais non, Denis, je tiendrai bon, c’est l’aventure de ma vie ! ») Arrivé au seuil de la crèche, le parent trempé entre à ce moment précis dans un environnement stérile chauffé à 22° C, ce qui ne manquera pas de gonfler son cheveu déjà frisottant, et d’entraîner sur lui une suée extrême effaçant tout souvenir de sa douche matinale. En extrayant l’enfant de sa poussette, le parent aura la déasgréable surprise de se voir déverser du vomi sur l’épaule ou, selon l’âge, essuyer du biscuit sur son fameux jean impersonnel.

8h50 Déshabillage de l’enfant chouinant, mettage de chaussons contre son gré, lançage des chaussons, remettage des chaussons, regards compatissants ou accusateurs des autres parents… Viiiite, la clepsydre, le temps presse ! Humiliation supplémentaire, le parent devra enfiler sur ses chaussures trempées de petites charlottes pastel (c’est la mode !) ou fluos en vieux tissus éponge, rendant son apparence encore plus grotesque. Vous avez du mal à visualiser je le sens, allez, crevons l’abcès et rendons publiques ces images, les sans enfants ont le droit de savoir ce qui les attend. Tadaaam, en exclusivité mondiale, les chaussures de la crèche :

Chargé de l’enfant, le parent court alors afin de ne pas se faire griller sa place par un parent loquace (souvent mère au foyer désoeuvrée ou grand-mère en manque d’amis ravies d’évoquer le fameux caca de l’enfant avec une puéricultrice diplômée qui aura oublié toutes les mises en garde sitôt la mégère partie).

8h55 Les sanglots déchirants de l’enfant résonnant encore dans sa tête, le parent sort de la fournaise pour subir à nouveau l’outrage météorologique sur sa chevelure ayant perdu tout aspect humain. Plongé dans la fournaise métropolitaine cette fois-ci (on congèle-on décongèle-on recongèle… très mauvais pour la santé !), coincé entre deux stations, porté par une nuée de passagers exécrables, les pieds ne touchant plus le sol ou encore coincé derrière un camion dans sa voiture affublée d’un sticker indécollable gracieusement offert par la fourrière de sa ville, le parent ajoutera une bonne trentaine de minutes à son parcours du combattant pour atteindre la ligne d’arrivée, passée par ses collègues sans enfants depuis une bonne heure pour certains.

9h30 C’est ainsi que votre ancienne collègue pimpante qui « n’en voulait » arrive hirsute, rougeaude, défaite, le jean couvert de miettes, le sac rempli de vieux ours en peluche, culottes ou autres objets cocasses déposés par son enfant ravi de trouver un seau en cuir (sic) dans son salon pour y entreposer des affaires personnelles. Honteux, le parent fera son entrée les yeux baissés, fatigué par ces 3 heures de contre la montre, coiffé au poteau par de jeunes requins empli d’un sommeil réparateur, jusqu’à ce que l’une d’entre elles vienne le voir,  toute guillerette, bouffie d’orgueil, épanouie comme une enfant avant Noël, pour lui annoncer la bonne nouvelle… « Je suis enceinte ! ».

Ah ouais ? Mais euh… t’es sûre de toi ?