Quaranteam forever

Le terme a fait son entrée dans le Urban dictionnary cette année, désignant « les gens avec lesquels on a choisi de vivre pendant une quarantaine de Coronavirus », le dico ajoutant même en exemple : « Ma petite amie vit toute seule, alors mes colocs et moi, on l’a inclus dans notre quaranteam ».

Et c’est vrai qu’une équipe de confinement, c’est quand même quelque chose de pas anodin, et qu’il y a fort à parier que, dans des décennies, comme on se souvient du lieu où on se trouvait quand on a appris la mort de Lady Di ou de Michael Jackson, on gardera forcément avec ce cercle restreint des liens indéfectibles.

Il y a les familles, déjà, qui n’auront jamais été aussi proches. Car quel post-ado normalement constitué peut décemment raconter avoir passé tous ses samedis soir avec ses parents et ses frères et sœurs à jouer au Uno, occupé ses dimanche aprems, ses vendredis soirs ET 100% de ses soirées de semaine avec pour seul horizon et protagonistes potentiels de toutes ses activités les têtes d’affiche de cette team faite de bric et de broc qui se donne la main pour affronter cet étrange quotidien ? Pour sûr, tout ça devrait laisser des traces. Des souvenirs pas forcément désagréables. Une propension, peut-être, à revenir toujours les uns vers les autres parce qu’on a traversé ensemble cette période étrange où l’horizon s’est refermé et où le monde ne tourne provisoirement plus qu’autour de nous (et du Franprix). Quant aux celibs, aux « anciens », aux expats, aux sauvages qui, à l’heure où l’on a sonné le lockdown et le couvre-feu, ont dû faire le choix de la solitude ou d’une néo-famille qui leur tiendrait chaud mais avec laquelle ils devraient partager leur cuvette de chiottes pendant des semaines, gageons que, le cas échéant, ils se souviendront eux aussi longtemps de cette quaranteam élue.

Et puis quoi, 60% des Français (= 80% ressenti) avouent mythoner les motifs de leurs attestations, resquillant aux entournures les interdictions gouvernementales pour retrouver sporadiquement quelques électrons libres de leur quaranteam élargie. Meilleur pote, mamie esseulée, sœur pas loin, bon copain du grand qui frise le burn-out de Uno dominical…, on reste prudent certes mais, de semaine en semaine, on sélectionne ceux avec lesquels on conclut cette espèce de pacte tacite et pas bien scientifique mais qui donne bonne conscience : on se voit nous, et on se fait confiance, parce qu’on s’aime et qu’on a décidé qu’une quaranteam avec les bons gestes barrières, ça protégeait de tout (oui, oui, c’est pas bien). Comme un tampon officiel pas très Covid mais qui signifie qu’entre nous, c’est comme avec Carla, du sérieux.

Nous ? On fait rien, monsieur m’agent. Juste du Quaranteam building.