Le bruit des clés

Ayé c’est arrivé. J’avais lu il y a quelque temps une interview de Vincent Delerm qui évoquait cette première fois dans la vie d’un parent. Celle où votre enfant passe le pas de la porte seul, avec ses clés, et pas derrière vous, à sautiller parce qu’il a envie de faire pipi, de foncer dans sa chambre ou qu’il vous raconte mille trucs incompréhensibles pendant que vous vous battez avec le trousseau pour lui ouvrir parce que vous seule pouvez lui permettre de rentrer chez lui. Je crois qu’il avait dit un truc comme : « la première fois que votre gamin rentre seul à la maison, que vous êtes là et que vous entendez le bruit des clés, c’est une page qui se tourne » ou quelque chose de ce genre. Je me souviens que je remplissais le lave-vaisselle en l’écoutant distraitement à la radio, et que ça m’avait glacé les sangs, cette histoire de page qui se tourne dans un bruit des clés. Parce que pour moi, le bruit des clés, c’est celui que faisaient mes parents quand ils rentraient le soir il y a des décennies, et puis celui que fait mon mec aujourd’hui. Rien d’autre. Non, je n’avais finalement jamais connu d’autre bruit de clés.

Ce matin, j’ai emmené mon aîné au collège pour la première fois. Il avait un peu honte que je sois là mais finalement, plein d’autres parents que j’ai personnellement trouvés beaucoup moins « cool » que moi étaient là aussi alors ça l’a pour ainsi dire détendu. Le grand portail s’est ouvert, il m’a maladroitement effleuré la main pour me dire « au revoir » et un peu « merci pour tout » et puis il s’est éloigné, fier et digne, vers la grande cour arborée. Je suis restée un moment et j’ai écouté les autres familles parce que je suis curieuse. J’ai esquissé seule des petits sourires émus, j’ai même essuyé une larme devant un grand frère qui souhaitait « bon courage » à son cadet après l’avoir embrassé avec une gêne mêlée d’une immense tendresse, et puis je suis rentrée chez moi. A midi vingt-sept, j’ai entendu ce fameux cliquetis que j’avais tant redouté et puis finalement j’ai trouvé ça chouette. Qu’il soit là tout seul, souriant, terriblement fier avec son trousseau au bout des doigts, et heureux de cette liberté nouvelle de pouvoir entrer et sortir sans nous de cet endroit où il vit depuis tant d’années.

On est sortis manger un grec, on a parlé des profs, de l’emploi du temps, de la qualité des frites et puis, il est reparti. Et pour la première fois (et j’en suis sûre pas la dernière), j’ai lancé comme ma mère naguère : « t’as bien tes clés ? ». Et j’ai compris qu’une page qui se tourne, c’est aussi une nouvelle histoire pas forcément triste qui commence. Et que peut-être Vincent Delerm évoquait cela dans son interview, ensuite, mais que le bruit de mon lave-vaisselle avait couvert la fin de son histoire.

Le gang des « mamans prévoyantes »

A chaque début de saison c’est la même chose. Vous attendez paisiblement que la précédente s’efface à pas feutrés, laissant poliment sa place à la suivante, avant de lever subitement la tête. Ahurie. Ou plutôt, en bad. Exaspérée par votre incapacité à apprendre de vos expériences passées. Oui, parce qu’à chaque nouvelle saison depuis maintenant des années (moins si vous débutez dans le secteur de la maternité), vous vous faites royalement carotte par le gang des « mamans prévoyantes ».

Mais si, vous savez, ce groupuscule intimidant de mères qui consignent bien au fond de leur tête, avec la précision d’un codeur de la Nasa, les dates auxquelles il est fortement recommandé de filer en boutique pour tout rafler avant qu’il ne soit trop tard. Les bonnets, moufles, gants et collants avant octobre. Les slips, intercalaires multicolores, agendas, feutres effaçables, cartables et cartouches bleues avant mi-août. Les maillots de bains, shorts, lunettes de soleil et sandales avant les premiers sursauts du mercure. Ouais, en plein mois de mars, elles sont là. En embuscade, organisées, silencieuses, à remplir leurs paniers d’été avec une discipline toute germanique pendant que vous, cigales naïves, vous en êtes encore à vous congratuler d’avoir dégoté en ligne (à 15 euros la livraison depuis l’Antarctique) un pull en laine pour le petit dernier qui se les pelait depuis des semaines (le Monop’ ayant évidemment été dévalisé par ladite mamafia). Résultat, quand vous vous rendez enfin compte que ce serait pas mal de choper une casquette pour les kids rapport au soleil qui tape pendant les barbecs du mois de juin (« Mamaaaan, ça brûle ! »), ou que vous découvrez avec horreur de la liste infinie du trousseau de colo, c’est trop tard. Elles ont agi. Encore une fois.

« Vous n’auriez pas des brassards », demandez-vous alors, penaude, au monsieur de chez Décathlon, qui part dans un éclat de rire sardonique devant votre pitoyable désorganisation maternelle. « MOUWAHAHAHAHAHAHA ! M’enfin madame, on est sur les crampons pour septembre, là. » (intérieurement : « Elle a pas la lumière à tous les étages, celle-là…Pauvres gosses ! ») Ah, et… vous savez où je pourrais en trouver ?

Sachez-le. Si vous faites partie de ces gens qui ne savent pas ce qu’ils font au mois d’août suivant dès septembre, ou qui n’arrivent pas à acheter un billet de concert pour dans deux ans, le gang aura toujours un bon train d’avance. Trop rapide, au courant de tout, il aura toujours acheté, désétiqueté, lavé, repassé et cousu au nom de son enfant toute la marchandise saisonnière disponible sur le marché.

Petite consolation : lorsque, emplie de rage et de cette force maternelle immense surgie du tragique de la situation, vous parviendrez finalement à mettre dans un panier de eshopping le dernier bob en 7 ans de tout le réseau mondial, vous serez alors envahie par un sentiment de fierté inestimable, probablement proche de celui expérimenté par une daronne préhistorique parvenue à fabriquer un sac à dos en peau de mamouth à son petit dernier ébahi devant tant d’ingéniosité (« T’es vraiment trop forte, maman »).

Un sentiment qui ne gagne plus depuis bien longtemps les membres du réseau précité. Blasé. HAHA, on fait moins les malignes, hein ?

Cheh, le gang !

Le « télétravail »

« Suite à votre mail, veuillez trouver….

– Mamaaan ?

– Quoi ?

– Je comprends pas l’exercice 4.

– … ci-joint le docuuuument…. Whaou ! Super, chéri.

– Quoi, super ?

– Hein ?

– Pourquoi tu dis « super » ? Je comprends paaaas le truc de maths. Ca veut rien dire « combien Perrine achète de billes… ».

– Ah pfff. euh, attends. Bon, ok, je continuerai plus tard. Alors, combien Perrine. Tu vois c’est simple, Perrine a cinq billes…

– Maman ?

– Oui ?

– Je peux prendre ton ordi pour regarder la vidéo d’histoire ?

– Hein ? Mon ordi ? Bha euh… attends, j’étais en train de faire un mail de boulot.

– Ah… Je fais quoi, alors ?

– Je… Tu n’as pas d’autres exercices ?

– Nan, je les ai faits. Tu m’as dit que tu allais les corriger. Ils sont sur ton bureau depuis hier.

– Hein ? Ah. Oui, oui. Je fais ça tout à l’heure.

– Et Perriiine ? Elle en a combien, des billes, alors ?

– J’arrive, chéri, attends.

– Alors, je peux prendre ton ordi ?

– Oui, vas-y. Nous on va s’occuper de cette bitch de Perrine avec ses putains de billes.

– C’est quoiii une bitch ?

– Rien chéri.

10 heures. Le cas Perrine finalement réglé, l’enfant a replongé dans son fichier. Tiens, je vais prendre mon iPhone pour envoyer mon mail, ce sera déjà ça de pris. « Suite à votre mail, veuillez trouver… » Nan mais il est obligé de lire à voix haute ? « Chéri, tu es obligé de lire à voix haute ? Ah, tu apprends ta poésie. Pardon. Oui, oui, je comprends. ‘Le bourgeon’, génial, c’est très joli. Non, je ne connais pas Paul Géraldy. Très bien, apprends. » Elles sont où ces putains de boules Quiès ? « Suite à votre mail, veuillez trouver Paul Géraldy… » Non mais n’importe quoi…

– Maman, y’a plus de batterie dans l’ordi.

– Hein ? Bon bha ça tombe bien, rends-le moi ! Et lis un livre, je sais pas. C’est quoi, cette manie des écrans ? On est pas dans la Silicon Valley ! Oui, voilà, prends le Bled. Oui, c’est chiant mais c’est la vie. C’est chiant.

– Mamaaaan ?

– Quoiiiiii ?

– On peut faire les collages ensemble ? La maîtresse elle a dit de chercher dans la maison des objets rapportés de voyage, de les dessiner et de faire des collages.

– Elle commence à me courir sur le haricot, moi, la maîtresse. J’ai du boulot, moi, MERDE.

– Tu dis beaucoup de gros mots, mamaaaan, nan ?

– N’importe quoi.

– Bha sinon, on peut aller regarder la télé, si tu veux travailler, on te dérangera pas.

– NON ! Non non non, le matin, c’est l’école ! On a dit qu’on faisait comme ça.

– On mange quoi, ce midi ?

– MERDEUUU !

– Gros mot.

– Me dites pas qu’il faut ENCORE refaire des courses !

11h30. Dans la queue du Franprix, alors que mes enfants font semblant de bosser, qui avec MON ordinateur et ses milliers de mails dont les expéditeurs attendent désespérément une réponse, qui avec mon téléphone portable dans lequel je retrouverai des centaines de selfies de trous de narines, je me demande qui sont ces mystérieux géniteurs qui ont « trouvé leur équilibre dans le télétravail ». Je me demande si ces gens ont des enfants muets, cuisiniers, séquestrés ou s’ils ont simplement baissé les bras. S’ils ont arrêté depuis belle lurette de corriger les exercices de « 1000 – fucking – problèmes », de compter les billes de Perrine et de chercher à offrir à leur progéniture un semblant de vie normale en les emmenant ensuite, après le goûter, humer l’air du dehors, en faisant un Risk ou en cuisinant une énième pâtisserie parce que, contrairement à plein de gens dans la société qui semblent avoir renoué avec la réalité, mes enfants continuent de recevoir des listes de trucs à faire enfermés dans leur appartement. Je me demande comment ces gens parviennent à faire des Zooms, des Skype, des Teams, parfaitement coiffés et maquillés, à rédiger des trucs intelligents, à aller se faire épiler deux mois de mollets confinés ou même à lire plus de trois lignes d’un bouquin. Et puis je paye sans contact derrière mon rideau de plastoc la tonne de courses que je vais ranger, éplucher, bouillir, cuisiner dans des ustensiles de cuisine que je vais laver, entasser dans ce putain de lave-vaisselle que j’aurai jamais autant vu de ma vie.

En rentrant, les enfants ont laissé tomber mon ordi et mon iPhone (tous deux évidemment déchargés), pleins de messages de gens qui ne comprennent pas pourquoi je ne peux pas répondre tout de suite à leurs demandes et ce que je bien foutre au juste. Alors, je les colle devant Disney +. Je capitule. Ouais, je me dis que ça doit être ça, télétravailler. Foutre la télé, et travailler. En toute culpabilité.

Au bal masqué ohé ohé

Que ce soit clair. J’ai bien conscience de l’importance / la nécessité absolue du port du masque. De celle d’obstruer nos orifices, bouche et nez, à l’intérieur desquels le sournois virus rêve de se jeter à corps perdu, sautant de la bouche de la vieille dame postillonante croisée au Monop vers nos pauvres poumons qui n’en demandaient pas tant aussi adroitement qu’un pou de la tête d’un enfant de quatre ans vers une autre tête d’enfant de quatre ans. Je SAIS tout ça. Mais ça ne m’empêche pas de juger cette néo-néccesité de nos vie d’après. Mal.

Récemment, dans une interview, Alain Minc comparait ces accessoires faciaux à des baillons. Et je me suis dit que c’était peut-être ça qui me gênait. Cette barre sur le visage, comme un trait au marqueur, qui sangle notre parole, nos sourires, cache aux reste du monde nos traits, nos joies et nos tristesses, ne laisse plus apparaître que nos yeux effrayés de frôler dans la sphère dite publique certains de nos semblables. « Oh mais ça va pas la tête celle-là, tu l’as vue ? Elle était genre à… 45 cm de moi cette FOLLE ! ». Dans les ruelles étroites du pâté de maison devenu ma cour de Fresnes familiale, je m’agite, je gueule, je fusille du regard de pauvres passants peu soucieux des distances de sécurité. Et ce que je remarque au passage, c’est que ceux qui sont tranquillous planqués sous leurs FFP2 paradent pour beaucoup comme s’ils avaient chopé le collier d’immunité entre les racines de manioc et la végétation dense du camp des rouges. « Denis ? J’ai mon masque, je peux me frotter à l’aise dans les rayons yaourts du Carrefour city nan ? »

NAN !

Bon, n’empêche qu’il faudra bien que je m’y résolve, je sais. A enfiler ce machin qui me renverra des heures durant ma propre haleine nourrie à la levure boulangère engouffrée par kilos, et aux plats oignonés réalisés en live avec Cyril Lignac le soir à 19h. A m’orienter au son des bagnoles quand je porterai mes lunettes bien calées sur le masque, qui s’empliront alors de buée comme quand j’ouvre le lave-vaisselle et qu’à chaque fois, putain, j’oublie. « Madame ? Vous marchez dans le caniveau. » A huuuurler sous le tissus, postée à 1 mètre de distance des autres mamans de l’école (ça va en faire un barnum sur le trottoir) quand je viendrai chercher mes enfants à partir du 11 mai. « Mprflll che disais BOOOON-VOUUUUUR ! ». A moins qu’on ne fasse plus que des sortes de clins d’œil avec ce qui nous reste de moyen d’expression, ou un petit signe de la main, de loin, en mode indien, parce qu’on flippe trop de se refiler le truc à cause duquel on a bousillé notre job, nos vacances de Pâques, notre sexualité et notre summer body en acceptant un enfermement désespérant pendant trois mois. Ouais, ça aurait un peu à voir avec s’enfiler frénétiquement trois pains au choc de suite debout dans la rue devant la boulange en plein aprem alors qu’on tenait à fond un challenge hypocalorique 30 jours depuis trois semaines. Donc, probable qu’on fera l’indien derrière nos vieilles culottes tire-bouchonnées derrière les oreilles plaquées sur nos visages blafards parce que les « masques grand public » prévus pour le 4 mai n’auront pas encore été livrés au gouvernement par Aliexpress.

Quant à nos enfants, les imaginer sortant un par un, éloignés de leurs potes d’une distance égale à leur propre taille est déjà psychologiquement compliqué. Mais alors les visualiser en mode cow-boy du pauvre ou chirurgien démoniaque alors que c’est pas Mardi gras et qu’ils n’auront même pas de crêpes pour se consoler, va falloir s’y faire.

En entreprise, ayé, le port du masque semble devoir être intégré pour les prochains mois (années ?). Ca va être gai, en réu, avec Jacqueline qui marmonnait déjà tellement qu’on captait rien à ses explications. Calée à trois mètres, bien loin, va falloir bien continuer le yoga live et la méditation pour pouvoir lui dire hyper calmement « Hein Jacqueline ? Quoi ? On ne t’entend pas bien sous ton masque ON CAPTE RIEN PUTAIN JACQUELINE A-RTI-CULE. »

Enfin enfin, je vais m’y faire. Il faudra bien, si je veux retrouver un job, une sexualité, un semblant de vacances d’été et un summer body. Ah tiens, ils rouvrent quand la salle de sport ? Ca va être sympa le RPM en apnée. Mouais, je me demande si je vais pas rentrer me reconfiner, tout compte fait.

Le tripotage 2020 des Braniston, cet espoir fou que rien ne passe ni ne lasse

Ca doit avoir quelque chose avec l’enfance, ou la nostalgie, ou la totale incapacité de vieillir qu’ont les pauvres ères qui ont grandi dans les années 90. Toujours est-il que, quinze ans après (15 ANS), ils sont nombreux à avoir cette nuit pété les plombs et les Internets à la vue de cette photo déjà légendaire : Brad Pitt huggant son ex-wife Jennifer Aniston aux Sag Awards. Pendant près de 5500 jours après l’annonce funeste de leur rupture, toute une génération a toujours refusé la triste vérité. Comme des gamins qui croiraient dur comme fer que papa et maman vont se remettre ensemble. Bha oui, papa s’est fait retourner la tête par une méchante sorcière à grosse bouche et yeux diaboliques et il a planté maman avec ses beaux cheveux et son humour potache, mais il allait forcément revenir à la raison. Après six enfants avec la diabolique femme tatouée, on s’est mis à douter, forcément. Mais voilà qu’hier soir, Brad et Jen, tous deux célibataires, quinqua cool et encore tout à fait appétissants, se sont TOUCHÉS. Cheh, Angie ! Ca faisait un petit bout de temps qu’ils se tournaient autour. Jen avait invité Brad à sa sauterie de Noël. Ils étaient réunis la semaine dernière aux Golden globes. Mais JAMAIS depuis 2005 on ne les avait vus sur la même photo.

Et pourtant… Hier soir, après que Brad a remporté une nouvelle statuette et prononcé un discours trop cute (« Il faut que j’ajoute ça à mon profil Tinder », a-t-il déclaré en brandissant son trophée), il est parti backstage. De là-bas, il a assisté sur une petite télé au sacre de son ex, elle aussi lauréate. Les pros ont retenu leur souffle, parce qu’ils ont alors compris qu’ils allaient se croiser là-bas devant les bretzel et les gobelets de mousseux. Et bam ! Dans sa robe de satin blanc très Carolyn Besset, Jen a frotté son corps contre celui de son ex, touché son épaule et puis elle est partie comme ça, grand prince. Alors il l’a retenue par le poignet, comme le font les gars qui vous draguent en soirée quand vous feignez de les planter. Avec une sorte de tension sexuelle palpable (si, si, et puis de toute façon on a bien le droit de faire de l’interprétation gestuelle si on a envie).

Ce rapprochement des ex qu’on a tant aimés nous remplit de joie et d’excitation parce qu’il symbolise l’espoir que tout peut recommencer. Que rien ne passe ni ne lasse, qu’on ne vieillit guère et que l’amour ne meurt pas. Que les amours anciennes et inachevées ne sont pas forcément perdues, que sous les réseaux sociaux, le réchauffement climatique, le Blue Monday et la réforme des retraites, le cœur des ninetees bat toujours, et pourrait, pourquoi pas, nous ramener sans prévenir vers la douce insouciance de nos jeunes années. Chers Braniston, si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour nous !

« Je te rappelle dans 5 minutes »

Il y a deux catégories de gens. Ceux qui prennent les mots pour argent comptant (moi), et les autres. Quelqu’un comme moi, par exemple, si on lui demande « ça va ? », va vraiment croire qu’on veut de ses nouvelles, et se préparera à répondre alors que son interlocuteur est déjà parti sur autre chose, ou parti tout court en fait. Idem, si on me dit « je te rappelle dans 5 minutes », je crois vraiment que 5 minutes plus tard, le téléphone va sonner…

Alors je reste devant l’objet. Sans bouger. Sans oser faire pipi ni rien, ni même boulotter un bonbon on ne sait jamais. Aaaah, 4 minutes. Attention je mets bien le volume de mon tel, au cas où j’entendrais pas la sonnerie, ça serait idiot. Et tiens, si j’allais me faire un thé en attendant ? Nan c’est con. Un thé, ça prend plus que 4 minutes. 3 minutes 58 en fait maintenant. Non, le temps de mettre l’eau dans la bouilloire, d’attendre que ça chauffe, de verser le tout dans la tasse et ahhh, mais rien qu’à réfléchir, là, il me reste que 2 minutes 50 maintenant. La pression monte. Elle a dit 5 minutes. « Je vous rappelle dans 5 minutes pour vous dire où est votre commande Zara ». C’est vrai, ça fait deux semaines que je l’attends, ma commande. Il y a deux jours, j’ai eu quelqu’un du service client qui m’a dit de ne pas m’inquiéter. Que la commande arriverait hier. Alors je me suis pas inquiétée, hein. Je fais ce qu’on me dit, moi. J’ai attendu docilement devant ma boîte aux lettres. Elle a dit hier. Alors le colis va arriver, forcément. Et puis non, en fait, rien n’est arrivé. Alors j’ai rappelé, redonné mon numéro de commande et pas si vite madame, je note. Et la dame a regardé l’état de ma commande, comme j’avais déjà fait dans mon compte client, en fait. Et elle a dit « ah, c’est bizarre ». Oui, c’est sûr, c’est bizarre. Surtout qu’elle devait arriver hier vous m’aviez dit, j’ai dit. Elle a dit que c’était pas elle qui avait dit ça, qu’ils sont nombreux, au service clients. Mais qu’elle allait se renseigner, qu’elle me rappelait dans 5 minutes. J’ai confiance. Maintenant, dans 1 minute 02, elle va rappeler. Elle va me dire où sont mon trench, mon haut à boutons dorés qui n’est plus disponible sur le site ni en magasin et mon serre-tête catho que mon mec va trouver ignoble. 37 secondes. Merde mon téléphone sonne mais ça n’est pas la dame. C’est un recruteur à qui j’avais envoyé mon CV. Merde merde, je peux pas répondre. Ca tombe vraiment mal mais dans 27 secondes, la dame de Zara va rappeler. Si je réponds au recruteur je vais tout faire capoter. On a rendez-vous, la dame et moi. Et moi, je suis polie. Une promesse est une promesse. Le recruteur est basculé sur messagerie. J’attends. Il va laisser un message c’est sûr. 0 seconde. Je me racle la gorge, fais des vocalises. Babeubibobuuuuuu. La dame de Zara va rappeler. Ah, tiens, elle a dix secondes de retard. Mais bon, je suis un peu à cheval sur les horaires, j’avoue. Peut-être qu’elle aussi elle est tombée sur une collègue qui lui a posé une question dans un couloir alors qu’elle courait à son poste pour notre rendez-vous téléphonique (« ça va ton fils ? » / « tu pars à la Toussaint ? » / « Bha nan tu sais bien qu’on est au Vanuatu pour coûter moins cher à Zara, ici c’est pas les mêmes vacances scolaires – ah ouais chus con »). 2 minutes de retard. Je suis pas folle, elle a bien dit 5 minutes. Ah tiens, le recruteur a pas laissé de message. C’est con quand même, si j’avais su, j’aurais pu lui répondre.

Une heure plus tard, j’ai vraiment trop envie de faire pipi. J’emporte quand même mon téléphone au cazou (oui, j’ai honte mais elle est quand même pas bien polie cette dame de chez Zara. Et puis pas sûr que du Vanuatu, elle entende un bruit de pipi).

Une journée plus tard, je dois me rendre à l’évidence. Elle a zappé notre rendève. Mais elle rappellera, forcément. Non ?

Et je me rappelle soudain de ce type qu’une copine à moi avait chopé en boîte quand on avait quinze ans, dont on avait dégoté le numéro et qu’on avait appelé le lendemain, surexcitées. « Je te rappelle dans 5 minutes », il avait dit, quand elle avait énoncé son blabla. On était tellement excitées, devant son fixe à grosses touches, prêtes à bondir. C’était il y a près de trente ans…

Alors à tous les disciples de David Parienti, ghosteurs professionnels, pleutres services clients, plans cul foireux ou hâbleurs et autres mythos du call back qui vaquent tranquillement à leurs occupations pendant qu’une partie de l’humanité attend logiquement devant son téléphone, allez vous faire foutre ! Non mais.

Le décommandage

Jeudi soir, 18h45, quelque part dans Paris.

– Allô ? Ouais, t’as bientôt fini ? Nan c’était pour voir avec toi, t’y vas à quelle heure au vernissage d’Emilie ? Tu t’habilles comment ?

– Pfffff chais pas ! T’y vas, toi ?

– Bha chais pas, c’est ce qu’on avait dit nan ?

– Bha ouais. Enfin, dit… On l’avait évoqué, quoi.

– Oui.

– C’est à quelle heure, déjà ?

– A partir de 19h.

– What ? Nan mais laisse tomber, c’est super tôt !

– Je sais. En plus, il pleut.

– Ah ouais, il pleut ?

– Nan, pas encore vraiment vraiment mais ça va pas tarder. C’est ce qu’ils disent sur l’iPhone, en tous cas.

– T’avais pas dit que tu croyais plus la météo de l’iPhone ?

– Mmh, n’empêche qu’ils disent aussi que Paris est complètement bouché. Impraticable. C’est très chaud de bouger, là. Sans mauvaise volonté, hein.

– Grave, complètement. C’est où, déjà ?

– Dans le 8e !

– Hein ? Mais qu’est-ce que c’est que ce vernissage chelou ?

– Je sais ! Genre vers les Champs !

– Quoi, les Champs ? Nan mais elle charrie, quand même. On n’a pas idée de faire déplacer les gens un jeudi soir, et en plus sur les Champs.

– Grave. C’est abusé.

– Franchement, c’est pas que j’ai pas envie d’y aller mais elle y met vraiment pas du sien, avec son orga.

– J’avoue. Surtout que bon, si je me souviens bien, quand on l’a croisée et qu’on lui a dit qu’on venait, elle a pas non plus sauté de joie, hein.

– Nan, t’as raison. Bon, elle avait l’air contente. Mais elle pas non plus hurlé de joie c’est vrai.

– Ouais. Bon, après, elle nous a quand même envoyé les cartons par courrier.

– Mmh…

– Enfin, si ça se trouve, elle a une secrétaire ou quelqu’un qui le fait pour elle, qui en envoie plein à n’importe qui.

– Ouais, et si ça se trouve elle a peut-être invité trop de monde, et elle rêve que certains se décommandent.

– C’est clair.

– Mmh…

…..

– Dis-moi, elle est jamais venue voir ton bébé, finalement ?

– T’as raison, jamais ! Attends mais ça se fait pas j’avais zappé.

– Mmh…

…..

– Nan mais en plus je suis sortie hier soir, je me sens toute bizarre. Genre malade, tu vois. J’ai des frissons, je voudrais pas refiler mes microbes à tout le monde. Limite c’est un service que je rends à la société.

– Arrête, je rêve de me foutre en grenouillère sous un plaid devant Netflix.

– Viens, on annule.

– Han, mais t’es FOLLE. On peut PAS.

– Tu crois ?

– Chais pas.

– Mais… on dirait quoi ?

– Bha on dit pas la même chose, déjà. Moi je peux dire que la petite se sent pas bien.

– Ah nan, tu me prends pas l’enfant malade !

– Si, je l’ai dit en premier !

– Bitch. Mais je dis quoi, moi, alors ?

– Rien.

– Rien ?

– Ouais, envoie rien, c’est mieux. C’est comme les gens qui viennent te dire au revoir en pleine soirée, ça fout le bourdon à tout le monde. Mieux vaut partir discrétos.

– Tu crois ?

– Ouais. Carrément.

– T’as raison. Et puis de toute façon, moi, le champagne tiède…

– Mmmh. Bon bha c’est réglé en tous cas.

– Mmh.

– Tu veux passer à la maison ?

– Grave !

– Génial. 21h ?

– Parfait ! A toute !

– A toute !

 

« Toi qui as le temps »

Avant, j’étais au bureau de 9h à 19h, avec 30 minutes de métro collées aux extrémités, une petite session d’écriture de l’aube certains jours, le tunnel « dîner/bain/dents/histoire » au bout, avant d’échouer comme une épave, mon sac encore pendu à l’épaule, à l’heure où même Hanouna a rendu l’antenne. Bref, j’étais la « fille qui n’a pas le temps ». Et puis un jour, à la faveur d’un changement professionnel, je suis passée du côté obscur des… « Toi qui as le temps ».

Femmes au foyer, en congé maternité, chômeurs de courte ou longue date, retraités, auteurs, pigistes, étudiants, 4/5e-istes et télétravailleurs, vous vous reconnaîtrez en cette catégorie d’individus dans laquelle je me suis malgré moi retrouvée catapultée du jour au lendemain, perdant peu à peu la notion du devoir ou du service, et même mes repères spatio-temporels avant d’apprendre à dire non.

« Tiens, toi qui as le temps… tu pourrais pas aller chercher Gaspard au judo / passer au pressing / regarder toutes les destinations pour les vacances de cet été / prendre nos billets de train / appeler Free pour demander une nouvelle télécommande / attendre le type d’EDF qui doit passer entre 7h et 23h30 / faire un grand rangement dans les placards de la cuisine / aller chercher mes trucs Amazon au Point Relay / appeler Free pour leur dire que la Box marche plus / défoncer Deliveroo qui nous a facturé deux fois en octobre 2016 / te renseigner sur les modalités de désabonnement à mes 132 newsletters / aller chercher mon recommandé à la poste / appeler le syndic / préparer un osso bucco pour le dîner de jeudi / racheter des pompes de foot aux enfants / appeler Free pour leur demander pourquoi on n’a plus BFM / chercher la clé de la cave qu’on a perdue au XXe siècle… ? »

En quelques jours, mon emploi du temps était full, archi plein à craquer d’activités que j’acceptais, évidemment, pleine de la culpabilité du oisif apparent, qui « pouvait bien », c’est vrai, « rendre un petit service » (entendez : plutôt que de trainer en fute Domyos sur son canapé en enculant les mouches). Oui, sacro-saints salariés à temps complets soumis au libéralisme économique de la société occidentale, je SAIS ce que vous pensez, quand vous visualisez les « toi qui as le temps » dans mon genre. Vous vous dites « après tout, qu’est-ce qu’elle a d’autre à foutre ? », voire même que ces activités extra-glandouilles devraient représenter une aubaine, une joie même, l’occasion inespérée de pouvoir enfiler enfin des fringues propres et des chaussures pour me frotter à nouveau avec bonheur au monde réel (celui des hotlines et des PTT) .

Eh bien non ! Sachez-le, nous autres « Toi qui as le temps » avons d’autres vies que les vôtres certes mais non dépourvues d’obligations et de plaisirs assumés qui n’ont point besoin d’être comblés par des tâches qui nous font « bien plaisir » et masquent le néant de nos existences. Parfois, vous vous dites « rho mais comme par hasard elle a un déjeuner JUSTE le jour où j’avais besoin qu’elle vienne nourrir le chat », ou d’autres trucs comme « avec tout le temps qu’elle a, elle est même pas foutue d’être à l’heure / de racheter du lait. A se demander ce qu’elle fait. » Replongez donc dans le présentéisme de réunions où le temps est siiii bien utilisé, va. Nous, on trouvera bien à s’occuper. Allez, je retourne sur mon canap’.

Le défi #FaceApp, si LOL ?

Si vous trainez sur les réseaux sociaux, vous n’avez pas pu passer à côté de ce nouveau phénomène trop LOL qui consiste à poster une photo de soi vieux. L’appli Face App, si elle existe depuis plusieurs mois, a réellement décollé il y a peu et depuis tout emporté sur son passage.

Le concept ? Prendre en photo son visage, puis cliquer sur l’icône « vieux » pour avoir une idée de son aspect des décennies plus tard. Poches sous les yeux, dégringolage des tissus, tâches, raréfaction des cheveux devenus gris et filasses, rien n’est épargné au sujet qui se retrouve face à son double du futur en quelques secondes avec un résultat bluffant. Car c’est bien ce qui agite les utilisateurs enthousiastes, le réalisme délirant de l’appli star qui propose aussi de découvrir son visage rajeuni, lequel ressemble tant à celui qu’on était qu’on ne peut alors douter de la fiabilité du vieillard goguenard apparu sur l’écran.

Dans nos soirées d’été, le sujet arrive rapidement sur le tapis, alors que les premiers smartphones surgissent. « Allez, c’est marrant, fais-le toi ! » Et qu’on se compare en poussant des petits cris effarés. « Ouah, t’as pris cher ! », « Franchement, tu t’en sors bien ! », « Regarde je suis atroce !! ». Les mecs adorent, et comparent déjà les ravages d’un temps pas encore passé. Les filles rechignent ou calculent déjà si elles préfèrent ressembler à ça ou à Madonna. On se shoote, on se reshoote en fronçant les sourcils, en levant le menton, en retirant sa chemise (« le rose, ça me vieillit, j’te jure ! reprends-moi ! ») ou en gonflant les joues. On propose de prendre ses parties génitales en photo pour envisager le futur de sa bite, ou la tarte sur la table, qui sait ce que ça pourrait donner ?

Bref, on s’éclate à sauter les années, la peur au ventre mais surtout avec la consolation de se dire que tout ça c’est « pour de faux », que pour l’instant on n’est encore pas si mal, hein ? Comme si se voir ridé était le grand frisson du moment, la frayeur nocturne qui s’en va au petit matin, le « non mais imagiiine » des enfants hilares, le petit film d’horreur qu’on se mate en loosedé avant de se lover avec bonheur dans la normalité retrouvée de notre petite vie confortable.

Mais qu’est-ce que ça traduit de notre rapport à la vieillesse, finalement ? Toujours ce rejet non avoué d’avancer dans le temps, lorsque le dégoût non dissimulé des visages abimés est chaque jour plus présent, dans un époque du paraître, du selfie et du filtre Insta qui boute hors du sérail la vie qui passe. Schizophrénie totale, toutefois. Unetelle aurait « succombé à la chirurgie esthétique », honte à elle qui n’accepterait pas les marques d’une existence sur sa jeunesse envolée. Telle autre aurait « pris cher non mais t’as vu ? Elle est tellement tapée, faut qu’elle se cache ». Alors quoi, tout le monde a tout faux ?

Autrefois ou dans d’autres sociétés lointaines et sages, les anciens étaient respectés et choyés pour leur expérience, interrogé par les plus jeunes sur ce chemin d’une vie qu’ils avaient parcouru, acceptant alors d’être ici et maintenant en cette étape du périple parce que leur âge inscrit sur leur visage ne faisait pas d’eux des phénomènes de foires, des Elephant mans de flux Instagram.

Il paraîtrait par ailleurs que l’appli goberait nos données personnelles, afin notamment d’enrichir les bases de reconnaissance faciale du monde entier grâce à nos sourires édentés épouvantés. Allez, assez rigolé. Si péché d’âgisme n’est pour l’heure pas mortel, il pourrait devenir un poison lorsque le retrait de filtre ne sera plus possible, et que le vieillard goguenard sera bel et bien là dans le miroir à nous lbesrver, bien amer d’avoir été le cauchemar de son double du passé.

Les filles de l’hiver et les filles de l’été

Les températures grimpent et les silhouettes s’effeuillent peu à peu. En ce vrai jour de l’été (et des musiciens plus ou moins bien inspirés de se caler sous vos fenêtres), toute une partie de la population féminine, dont je ne fais pas partie, se réjouit de pouvoir troquer sa garde-robe hivernale pour d’affriolants décolletés, de divines robes fluides ou charmants petits shorts, baladant leur élégante silhouette caramel en milieu urbain.

Peut-on néanmoins avoir une pensée pour la seconde catégorie, dont je fais donc partie, qui entame là des semaines de désespoirs matinaux devant son dressing, rêvant devant les looks sublimes des pubs de magazines, s’imaginant elles aussi déambulant en débardeur micro-jupette les cheveux au vent, la peau tannée par un soleil bienveillant, avant de se rendre à l’évidence : cette saison n’est pas pour elle. Car oui, il y a selon moi deux typologies de filles : celles de l’hiver et celles de l’été.

Les filles de l’été ont des cheveux lisses qui ondulent joliment au contact du sel et du vent, au lieu de former une abominable petite boule sèche et frisottée au moindre coup de chaud. Les filles de l’été, ont des seins rebondis entre lesquels même la sueur est appétissante, et pas des plaques bleuo-rosacées qui se placent un peu partout sur leur poitrail-vampire épouvanté par tant de lumière (« houlalaaa qu’est-ce qui se paaaasse éteignez la lumière ! »). Non, les filles de l’été ont une peau à la carnation uniforme et mate, qui planque les imperfections rendues en revanche ultra visibles par la transparence incongrue de l’épiderme des novembrettes. Elles peuvent passer en 24 heures du jean-sous-pull synthétique au short-body sans même une marque d’élastique de chaussette aux chevilles, semblent épilées et manucurées de partout pour l’éternité, quand leurs homologues lutteront vaillamment deux mois durant pour tolérer leur triste enveloppe perdue dans des tissus fleuris aussi en phase avec leur blancheur qu’un riz cantonais et une escalope milanaise. Oui, nous filles de l’hiver avons souvent l’air d’un saucisson lyonnais recouvert d’un chiffon trop vif.

Les filles de l’été, elles, ont de beaux pieds rondelets sublimés par de jolis cuirs et des bracelets de cheville qui, sur celles de l’hiver, pousseraient à leur demander si elles n’ont pas zappé d’enlever leur clé de vestiaire de piscine municipale. Les filles de l’été plongent dans l’eau comme des sirènes, éclaboussent en sortant l’assemblée avec leur chevelure trempée gouttant gracieusement sur leurs épaules (« Pacifiiique, force anis ! »), les chapeaux de paille leur donnent des airs mutins et leurs rare coups de soleil se muent en adorables tâches de rousseur éparpillées sur les ailes de leurs nez.

Nous, filles de l’hiver, on a toutes connu ces stars des colonies, ces bombasses du kids club qui, telles des papillons de lumièèèère, prennent une ampleur désarçonnante et imprévue sous les projecteurs estivaux. Faisons le dos ronds, sœurs de l’hiver, car reviendra bien le temps où nos brushings bien figés par les souffles glaciaux des jours brefs referont leur petit effet. Où notre pâleur protégée à la SPF 50+ retrouvera sa place sur ce petit pull marine qui la met en valeur, épousant à merveille notre silhouette transcendée par notre jean préféré, celui-là même qui nous a été refusé tout l’été. Pendant ce temps, les Grâces du club Mickey repenseront tristement à leur bronzage des heures passées, reniflant à leur tour devant un dressing qui se dérobe et semble subitement ne plus rien contenir de portable. Chacune son tour.

Bon, en attendant, je ne sais toujours pas quoi mettre aujourd’hui.